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« On ne réussit pas par défaut ni par hasard »
Slimane Benaïssa. Un des pionniers du théâtre populaire algérien
Publié dans El Watan le 26 - 05 - 2005

Auteur, metteur en scène et comédien de théâtre bilingue de renom, Slimane Benaïssa est un des pionniers du théâtre populaire algérien. Il est également romancier. « On avait créé un théâtre populaire, Kateb Yacine en avait assuré une partie, Alloula en a assuré des aspects, et moi-même d'autres encore.
Au bout de 15 ans de travail, on avait réussi à poser les fondements d'un théâtre algérien. Malheureusement, avec la crise sanglante qu'allait traverser l'Algérie, les choses se sont ralenties », rappelle Slimane Benaïssa. En 1967, Slimane Benaïssa est membre de la première troupe amateur à Alger Théâtre et Culture. En 1969, il adapte (pour la première fois en Algérie) La poudre d'intelligence de Kateb Yacine, travail qu'il poursuivra par la traduction de toute l'œuvre théâtrale de l'auteur de Nedjma avec qui il a notamment collaboré à la mise en forme en arabe de Mohamed prends ta valise, Palestine trahie, le roi de l'Ouest et La guerre de deux mille ans. En 1978, il monte la première compagnie de théâtre indépendante en Algérie au sein de laquelle il crée Boualem zid el gouddem, Youm el djemaâ, El mahgour, Babour ghraq, Rak khouya ou Ana chkoune (Au-delà du voile). Depuis sa création, la troupe totalise plus de 1200 représentations tant en Algérie qu'à l'étranger (France, Belgique, Suisse, Allemagne, Koweït, Malte et Tunisie). L'exil forcé en France en février 1993 ne constitue pas une rupture dans sa création théâtrale. Tout comme il se refuse à un théâtre de l'exil. Le théâtre, Slimane Benaïssa ne le conçoit que comme universel.
Le mur est haut
En France, il lui fallait continuer à faire vivre l'homme de théâtre qu'il était. « Je suis un artiste, je tenais à l'être, et mon seul combat face à l'intégrisme, c'était de maintenir cet artiste vivant sur scène, envers et contre tout. Et cela, c'était un travail énorme, on ne s'en rend pas compte. Ce n'était pas convertir une monnaie, c'était nous convertir. Et comment se convertir sans se trahir ? Comment se convertir sans se travestir ? Comment se convertir et réussir ? ». Comme avait dit Kateb Yacine dans Les ancêtres redoublent de férocité : « Absent et présent, le mur est haut. Et à partir de là, on commence son chemin. On ne réussit pas par défaut. Ou par hasard. C'est vrai qu'il y avait au départ une solidarité d'accueil tout à fait honorable, qui nous a aidés, mais la solidarité s'use, le talent ne s'use pas. C'est sur le talent qu'il fallait miser. » Cela n'a pas été sans difficulté. Il fallait à l'homme de théâtre tout innover. « Je devais me mettre à la langue française après avoir passé une vingtaine d'années à travailler un théâtre dans l'arabe algérien, à faire du corps à corps avec cette langue, à la faire évoluer. La difficulté n'était pas la langue simplement, ce n'est pas parce que je suis de culture française que je connais la société française. Il fallait connaître ceux avec qui j'allais parler pour qu'ils m'écoutent. » La préoccupation de Slimane Benaïssa était de parler « de l'intérieur de l'Algérie » au public français, de faire connaître au public français ce que vivait le public algérien, soit d'« essayer de mettre ces deux publics en communication directe ». « Pour se faire comprendre, il faut d'abord savoir ce qu'on veut dire exactement. Comment le dire ? J'utilise un théâtre qui est axé sur un personnage central raconté. Comment ce personnage va se raconter ? Mille et une manières. D'abord j'utilise le (je) qui implique le personnage et qui m'implique en tant qu'auteur. Et je l'entoure de narrateurs ou d'acteurs qui vont l'aider à raconter son histoire. » Le but recherché par Slimane Benaïssa et l'exigence qui était la sienne visaient à « rejoindre l'universalité », « savoir ce qu'il y avait dans notre culture qui pouvait rejoindre l'universel ». L'histoire de son personnage central est liée à l'histoire de son pays, « les deux histoires se côtoient et avancent ensemble, emboîtées comme des poupées russes, la petite histoire de l'individu et la grande histoire de son pays. Ce sont ces allers-retours qui font qu'historicité sociale et histoire personnelle qui se tissent parfaitement. C'est cela l'universalité. L'œuvre a une portée universelle lorsqu'elle s'assure sur ces trois plans : l'histoire du pays, la sociologie culturelle et l'histoire de l'individu. » « Pour moi, le théâtre est le lieu où je convoque l'histoire pour la juger. Les seuls jurés sont les spectateurs. » Le rapport à la foi, à la religion font partie des thèmes qui fondent la réflexion et le travail intellectuels de Slimane Benaïssa.
Dieu aime l'intelligence et le savoir
« Quand je parle de l'intégrisme, je ne le spécifie pas comme musulman, je fais référence à une violence qui a trouvé comme contenu l'Islam. Cela ne veut pas dire que l'Islam est violent. » « Nous sommes une génération qui, brutalement, a été mise face à la responsabilité d'une religion. Il fallait prendre position, et dire d'abord que l'Islam de manière abstraite n'existe pas ; l'Islam n'existe qu'à travers des musulmans. Déposé en Coran dans une bibliothèque, l'Islam ne fait de mal à personne, pris en charge par des musulmans, il peut faire beaucoup de bien, comme il peut faire beaucoup de mal. En tant que musulman je pose la question légitime : qu'est-ce que j'ai envie de faire de cet Islam. Quand je pose la question, je me dis qu'est-ce que j'ai envie de faire de mon histoire. » « Je crois que les intégristes prennent le problème à l'envers, le problème n'est pas de faire de l'Islam un projet envers et contre l'histoire, c'est de savoir, et c'est notre responsabilité même de musulmans, ce qu'on doit faire sur terre pour mériter la place du jugement dernier. C'est cela le libre choix. Dieu aime l'intelligence et le savoir et ne nous aime que dans le savoir. » Une pièce comme Confessions d'un musulman de mauvaise foi peut être acceptée par le public algérien, estime Slimane Benaïssa, qui en a traduit déjà les trois quarts en arabe algérien. « Je suis prêt à la jouer en Algérie », dit-il. Et d'ajouter : « Il faut qu'on arrive à dire comment, on en est arrivé à l'intégrisme. Il n'y a pas d'issue possible si dans l'imaginaire social algérien, on n'a pas créé d'une manière ou d'une autre l'image de l'intégriste, sinon il restera insaisissable. Ce n'est que lorsqu'il sera représenté sur scène qu'il sera ramené dans une catégorie de la société, qu'il aura une réalité palpable, qu'il aura une existence. » Le problème essentiel de l'Algérie, c'est celui de son conflit avec la modernité, estime l'intellectuel. « La violence terroriste a fait que l'on s'est enfermé dans une attitude sécuritaire ; et avec le retour de la paix, je sens une démobilisation, un laisser-aller », ajoute-t-il. Comment rester en prise avec sa société quand on en est éloigné ? « Beaucoup de mes amis qui sont restés en Algérie et qui viennent de temps en temps en France me semblent plus exilés là-bas que moi par rapport à l'Algérie. On peut quitter l'Algérie, mais l'Algérie ne nous quittera jamais. »
Exilé d'une utopie
L'exil, « c'est d'abord la douleur d'être arraché comme une dent, et en même temps on est la dent, la mâchoire et le dentiste. On a un niveau de conscience sur ce qui nous arrive qui fait qu'on ne vit pas comme des dupes. Ce n'est pas n'importe quel infirmier qui va apaiser la blessure. Il faut réfléchir avec cette douleur-là. L'exil m'a appris à aiguiser ma lucidité, tous les jours, et être lucide, c'est être objectif ; il n'y a plus de magie pour se rassurer ; il n'y a plus de faux arguments subjectifs pour se donner de l'importance. Tout devient implacable. C'est une remise en cause permanente. Quand j'étais en Algérie, même quand j'avançais à 50%, c'est le courant qui me poussait ; en France, j'étais à contre-courant, et quand on est à contre-courant, la force du contre-courant devient plus forte. Plus on avance et plus cela devient dur, plus le courant devient implacable ». « L'exil, il faut le concevoir comme un voyage. Il faut qu'il reste un voyage. A la seule différence, le voyage, c'est nous qui décidons, ce qui n'est pas vraiment le cas pour l'exil. Le problème, ce n'est pas d'être exilé, c'est ce qu'on fait de son exil. Et si je parle beaucoup de l'exil, d'une certaine manière, ce n'est parce que j'en souffre, mais c'est parce que j'en ai fait mon affaire. Nous sommes une nouvelle catégorie de déplacement humain assez importante, notre exil est tout à fait original en soi. Des gens comme nous, qui avons vécu ce déchaînement qu'a connu l'Algérie, nous ne pouvons qu'être exilés en Algérie d'une partie de nous-mêmes ; et en France, nous sommes exilés d'une autre partie de nous-mêmes. Comme je l'ai dit, lors d'une conférence sur l'exil que j'avais donnée au sénat, je suis un exilé d'une utopie qui serait la synthèse de valeurs françaises sur un territoire algérien. Et lorsque je pourrai faire la jonction entre l'espace de mon enfance et l'espace de ma pensée adulte, je dirai que j'ai échappé à l'exil. »
Prêt à rentrer en Algérie
Sur son écriture, ou plutôt de ses écritures, Slimane Benaïssa est intarissable. Le passage à l'écriture romanesque a été un hasard. « J'ai toujours écrit des choses. Je réfléchis par l'écriture. Même avec mes enfants, quand j'ai de fortes crises avec eux, j'écris. » « Le roman m'aide à me réfléchir, alors que le théâtre, c'est surtout l'art de communiquer. Le public est la finalité d'une pièce, mais il en est aussi le point de départ. Les deux écritures me sont, par mon tempérament, nécessaires. J'ai besoin de repli sur moi-même pour approfondir mon écriture, et, par conséquent, ma réflexion par le roman ; et j'ai besoin du théâtre dans le sens où il est une ouverture sur le monde, immédiate. Les deux genres se complètent. Les deux genres, c'est raconter une histoire, mais l'un va la raconter à travers les contraintes d'une pièce de théâtre, et l'autre la raconter avec la liberté romanesque. » Slimane Benaïssa se dit prêt à rentrer aujourd'hui en Algérie, il ne l'était pas encore il y a un an. Il rentre en juin, d'abord pour reprendre un contact physique, à la faveur d'une conférence qu'il donnera à Alger. « Je suis arrivé à un niveau d'expérience qui me permet d'en faire profiter ma société pour ce qui me reste à vivre. C'est la décision que j'ai prise. » A condition de pouvoir travailler librement. « Je pense qu'il y a cette disponibilité aujourd'hui. » Et sur sa notoriété, « je ne suis pas exceptionnel, les gens me connaissent parce que je fais un métier public. Des Algériens comme moi, dans des domaines autres, à travers le monde, il en existe beaucoup. J'ai rencontré le plus grand chirurgien en esthétique, Zahar, il intervient sur trois continents dans la semaine. Il vit à Paris. Il faut apprendre à maintenir le vivier algérien là où il vit pour qu'il continue à être puissant et performant, et en profiter. » Benaïssa est persuadé qu'« avec tout ce qu'elle a reçu comme coups, l'Algérie ne peut qu'évoluer ».
Parcours
Théâtre
Slimane Benaïssa crée en 1978 la première compagnie indépendante de théâtre en Algérie qui totalisera en Algérie et à l'étranger 1200 représentations. Après 20 ans d'activité théâtrale en Algérie, Slimane Benaïssa est obligé de s'exiler en France en février 1993. Au-delà du voile (éditions Lansman, 1992), mise en scène par Slimane Benaïssa en 1992. Tournée en France et en Belgique (42 représentations) ; Le conseil de discipline (éditions Lansman, 1993), mise en scène par Jean-Claude Idée en septembre 1993. 24 représentations en Belgique et 53 en France ; Marianne et le marabout (1995) ; Un homme ordinaire pour quatre femmes particulières (1995) ; Les fils de l'amertume, créée pour le festival d'Avignon en 1996 par la compagnie GRAT de Jean-Louis Hourdin, mise en scène par Slimane Benaïssa et J.L Hourdin (110 représentations), traduite en turc par Sapur Babur et en arabe algérien par Slimane Benaïssa ; La spirale de l'anneau, créée en décembre 1997 à partir de la fable des Trois anneaux du Décaméron de Boccace ; Prophètes sans dieu, écrit et réalisée en octobre 1998 (plus de 380 représentations en France, en Belgique, au Canada et en Suisse ; L'avenir oublié, écrite avec André Chouraqui en 1998-1999 ; Mémoires à la dérive, créée le 19 mars 2001 à Douai, festival des Météores ; Les Confessions d'un musulman de mauvaise foi, créée en novembre 2004 ; Histoires simples d'ici et d'ailleurs, spectacle musico-théâtral.
Romans
Les fils de l'amertume, éditions Plon (septembre 1999) ; Le silence de la falaise, éditions Pon (septembre 2001) ; La dernière nuit d'un damné, éditions Plon (mars 2003), traduit en américain ; Les colères du silence, éditions Plon .
Cinéma
Ecriture de Boualem zid el goudem, sélectionnée à la Mostra de Venise « Prima œuvre » en 1980 ; participation à l'écriture de Vent de sable de Mohamed Lakhdar Hamina en 1978 ; Le mariage de Youcef, de Mefti, en 1979 ; Il était une fois la guerre (coproduction algéro-française) de Ahmed Rachedi et Maurice Vailvic en 1980. Intervenant sur les scenarii Le harem de madame Osmane, de Nadir Moknèche (1999) ; Le neuvième mois, de Ali Nassar (Palestine-France), en 2000 ; Viva l'Aldjérie, de Nadir Moknèche, 2002. Slimane Benaïssa a également publié des articles, encadré des stages de théâtre et enseigné en qualité de professeur associé de 1995 à 1997 à la Faculté des lettres de l'université de Limoges.
Nominations
Docteur honoris causa de l'Inalco - Sorbonne en 2005 ; nommé membre du Haut-Conseil de la francophonie par le président Jacques Chirac en 2000 ; lauréat du prix Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) des auteurs francophones en 1993.


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