Nous, Algériens parabolés et inévitablement branchés sur l'actualité en France, sommes fascinés par la manière dont s'est déroulé le référendum sur la Constitution européenne : à l'issue d'un intense débat politique, libre et sans exclusion, les Français ont dit non à la Constitution européenne, profondément convaincus qu'elle ne sert pas les intérêts vitaux de leur pays. Le pouvoir a été battu par le peuple et non l'inverse comme cela se fait sous d'autres cieux où un parti dominant, un Président autocratique ou des juntes militaires imposent leur choix préalable, usent de ruse, de fraude ou de divers autres procédés antidémocratiques. C'est vrai que c'est le résultat de siècles de démocratie et qu'il ne faudrait pas comparer la France aux pays relativement jeunes, de surcroît sous-développés où la pratique politique est défaillante, voire inexistante. Mais c'est un exemple - qui n'est pas unique - à méditer et à suivre notamment en Algérie ou la population garde de mauvais souvenirs des scrutins passés : d'abord de ceux qu'organisait la France elle-même durant la période coloniale, appelés à « la Neagelen » du nom de ce gouverneur spécialiste dans les trafics de bulletins de vote ; puis des votes post-indépendance conduits par le parti unique dont la seule fonction était de plébisciter les candidats déjà choisis par les puissants ; enfin des scrutins d'apparence pluraliste mais dont la réalité est tout autre, se confondant avec les bricolages des lois électorales et des découpages électoraux et les manipulations politico-médiatiques des foules. De nos jours, un non est impossible en Algérie s'il doit contrecarrer une décision issue du pouvoir politique ou rejeter des puissants autoproclamés ou cooptés. N'est permis que le oui qui plébiscite, glorifie, conforte ou pérennise. Il est temps de réhabiliter le non, le vrai non, celui qui sanctionne de mauvais dirigeants et contre de dangereuses politiques. Le non est la panacée de la démocratie lorsqu'il assure la primauté et la supériorité du peuple sur les dirigeants politiques. Mais il ne se décrète pas. Son bain, c'est la culture politique et les grandes libertés publiques et individuelles. Et c'est sur ce chapitre que tout reste à faire en Algérie. Il ne faut pas que le pays passe à côté de toutes les grandes expériences démocratiques capitalisées par nos voisins du nord de la Méditerranée.