Depuis son invasion par l'armée marocaine, le territoire du Sahara-Occidental est interdit à tous ceux qui peuvent apparaître comme des témoins gênants. Et la presse en fait partie, sauf bien entendu celle qui couvre des manifestations « autorisées » ou arrangées au mépris des lois internationales, c'est-à-dire comme ces manifestations sportives qui gomment les frontières et repoussent celles du Maroc jusqu'en Mauritanie. Ces gens-là sont autorisés, tous les autres sont indésirables. Une journaliste espagnole en a eu jeudi la preuve plus vite qu'elle ne l'aurait prétendu. Bref, tous les éléments d'une expulsion en règle. Maria Cristina Berasain, prévenue qu'elle n'allait pas être accueillie avec joie, a choisi des moyens détournés pour entrer en territoire sahraoui, théâtre d'imposantes manifestations pour le respect du droit de sa population à l'existence tout d'abord. Elle a été expulsée d'El Ayoun sans même franchir les limites de l'aéroport de la capitale du Sahara-Occidental, selon l'agence de presse officielle marocaine Map, pour fausses déclarations professionnelles. Selon la version marocaine, la journaliste, en reportage pour le soi-disant journal Berria, avait tenté jeudi de franchir le contrôle de police de l'aéroport d'El Ayoun en faisant de fausses déclarations sur ses activités professionnelles. Maria Cristina Berasain était également en possession de documents hostiles à l'intégrité territoriale du royaume et de numéros de téléphone d'activistes pro-Polisario installés à El Ayoun, ajoute la Map, décidément bien avare en détails sur cette accusation quand on sait qu'il n'y a rien d'aussi subversif que le mensonge et la perversion des faits. C'est bien le Maroc qui a négocié avec le Front Polisario en vue d'un règlement négocié qui sera conclu sous la forme d'un plan de paix endossé par le Conseil de sécurité, et il est tout à fait normal que le Front Polisario fasse connaître son point de vue et le défende. Et l'ONU a parfaitement identifié les deux parties en conflit (Maroc et Front Polisario) et fait accepter son plan qui prévoit la tenue d'un référendum d'autodétermination. C'est donc le contraire qui devient subversif. C'est pour contourner cette série d'obstacles que la journaliste, arrivée en fin d'après-midi jeudi à El Ayoun en provenance de Las Palmas par un vol de la Régional Airlines, avait d'abord prétendu être pharmacienne venue à El Ayoun pour y passer des vacances, avant de se rétracter et de décliner sa profession de journaliste pour le soi-disant journal Berria (ajoutant) que « l'objet de sa visite était de réaliser des reportages sur les incidents survenus récemment », poursuit l'agence marocaine. Mais le crime de cette journaliste est de venir sur place s'enquérir de la situation faite aux populations sahraouies, victimes de la colonisation marocaine et de la politique de répression. Elle est donc venue forcer le barrage en règle érigé sur une telle situation qui n'est pas celle que veulent les autorités d'occupation. D'imposantes manifestations notamment à Al Ayoun et Dakhla, la deuxième ville du Sahara-Occidental, sont venues perturber l'ordre établi et rappeler à l'opinion internationale qu'un peuple vit encore sous occupation étrangère. La contestation a même été déplacée dans certaines villes du Maroc, où les images de la répression ont véritablement choqué.