Trois mois après l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, dont la mort est restée non élucidée jusqu'à aujourd'hui, le Liban renoue une fois de plus avec la violence politique. Jeudi, la cible choisie par les ennemis d'un Liban stable et fraternel : une autre figure emblématique de l'opposition libanaise, Samir Kassim, journaliste au quotidien libéral An Nahar, un des animateurs-clés des manifestations grandioses organisées à Beyrouth au lendemain de l'assassinat de Rafic Hariri, qui avaient débouché sur le départ des troupes syriennes du pays du Cèdre après une présence de plus d'un quart de siècle. Comme toutes les liquidations des hommes politiques qu'a eu à déplorer ce pays qui a payé un lourd tribut à la guerre intercommunautaire et confessionnelle, l'assassinat de Samir Kassim est également signé et renferme tous les attributs d'un crime tout aussi parfait, œuvre de professionnels du crime politique organisé. L'opposition désigne du doigt le pouvoir et appelle à la démission du Président Emile Lahoud, lequel à son tour plaide non coupable et promet cette fois-ci également, comme dans une partition bien réglée, l'ouverture d'une enquête internationale. Mais l'opposition dans sa diversité reste divisée dans la qualification de ce crime. Le leader de l'opposition chrétienne, le général en retraite Michel Aoun, met en garde contre l'instrumentalisation des assassinats à des fins politiques tandis que l'opposition druze et chiite n'hésite pas à parler d'« assassinat politique ». Le fait est que ce nouveau crime politique, qui a suscité une large réprobation tant au Liban, au sein de la corporation de la presse et des partis de l'opposition, qu'à l'étranger où le journaliste assassiné incarnait l'espoir d'un liban libre, uni, démocratique et libéré de toute tutelle étrangère, fait craindre le réveil des vieux démons des luttes fratricides et intercommunautaires autour des enjeux de pouvoir. L'assassinat de Samir Kassim intervient dans une conjoncture politique particulière marquée par la tenue des élections législatives qui devraient consacrer la victoire de l'opposition au regard des résultats de la première phase du scrutin, qui avaient donné lieu à un irrésistible raz-de-marée du courant du Futur de Saâd Hariri, fils de l'ancien premier ministre assassiné. Il intervient également quelques semaines à peine après le retrait définitif des troupes syriennes du Liban qui ont quitté le pays sans vraiment avoir abandonné le pouvoir. L'opposition l'a bien compris désormais en travaillant à la destitution du chef de l'Etat libanais par le truchement d'une procédure parlementaire de destitution prévue par la Constitution libanaise. Le cadre légal devrait être mis en place avec le nouveau Parlement qui devrait, selon toute logique, consacrer la victoire de l'opposition.