Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, se rendra à Rabat au Maroc les 21 et 22 juin prochains, a annoncé hier l'ambassadeur marocain, Mohammed Saïd Benryane, lors d'une conférence-débat organisée à Alger par la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité (CCFC). « Une visite éminemment politique qui servira au cadrage politique du processus vers plus de sérénité et de confiance », a t-il affirmé sans donner les détails de l'ordre du jour. L'objectif premier, d'après le diplomate, reste la « normalisation » des relations. Il a qualifié la suppression des visas par l'Algérie comme signe « encourageant et prometteur ». Le thème de la conférence, « Le marché commun maghrébin face à l'Union européenne » a été vite débordé. Les relations entre les deux pays ont quasiment monopolisé le jeu des questions-réponses entre l'ambassadeur et les journalistes. « Il est aberrant qu'il existe des frontières fermées entre les deux peuples », a-t-il déclaré. Les frontières terrestres sont fermées par l'Algérie depuis 1994 en réaction à l'instauration du visa pour les ressortissants algériens du côté marocain après les attentats contre l'hôtel Atlas Asni de Marrakech. Attentats attribués par Rabat aux services algériens. Mohammed Saïd Benryane a indiqué que l'Algérie, à travers les commissions mixtes, prépare avec le royaume une issue à cette question. Sans plus de détails. « Nous avons une divergence totale sur la compréhension de la question du Sahara-Occidental », a dit l'ambassadeur. Il a regretté que la presse algérienne « donne plus la parole aux représentants des séparatistes (les sahraouis) sans donner la version marocaine ». Il a également parlé d'une presse qui « jette de l'huile sur le feu », qui « focalise sur les divergences et oublie les convergences ». Des journalistes protestent. « Je ne suis pas un donneur de leçon mais j'ai trop de respect pour votre métier, c'est pour cela que je vous parle avec mon cœur », a-t-il ajouté. Le diplomate s'est dit « fier d'être chez lui en Algérie ». « Je ne rencontre pas d'animosité chez la société algérienne que je fréquente tous les jours et je lance un appel pour un dialogue serein et de confiance avec vous », a-t-il appuyé avant d'exposer les opportunités de coopération entre les deux pays. Selon lui, deux groupes financiers marocains s'intéressent au secteur bancaire et aux assurances en Algérie après l'entrée en vigueur de nouvelles réglementations. « Nous en saurons plus dans deux semaines. C'est le maillon qui manque à nos échanges », a expliqué M. Benryane. Il a cité les secteurs pharmaceutique, du tourisme, des grands ouvrages, des mines et de l'agro-industrie. « Des projets qui devraient se concrétiser à la faveur de la normalisation », a-t-il précisé. « Il faut transmettre la confiance entre les peuples aux dirigeants », a dit l'ambassadeur éludant une question sur la crise de représentation démocratique dans les Etats qui veulent construire l'Union maghrébine. Selon lui, l'évanescence des divergences dans les modes de gouvernance et de choix économiques entre les pays du Maghreb devrait débloquer le projet d'union. Il a nuancé en estimant que la non-émergence d'une élite politique pour porter ce projet constitue un facteur de blocage. A ses yeux, affronter le marché de l'Union européenne en rangs dispersés ne paie pas. La Tunisie, le Maroc et l'Algérie ont signé séparément les accords d'association avec l'UE. « Le non français et hollandais, l'élargissement précipité et l'ouverture vers l'Europe de l'Est posent de nouvelles interrogations », a estimé l'ambassadeur qui propose de réfléchir autour d'un nouveau cadre de coopération euroméditerranéen. « Au dixième anniversaire du lancement du processus de Barcelone, le bilan est mitigé. La question palestinienne et l'après-11 septembre nous mettent devant de nouvelles interrogations », a-t-il ajouté même s'il se disait « nécessairement optimiste ».