Invité, hier, de la rencontre-débat “Les lundis de l'économie”, qu'organise la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité, l'ambassadeur du Maroc à Alger a vainement tenté d'éviter le volet politique entravant l'intégration économique du Maghreb. M. Mohammed Saïd Benryane a commencé par faire un constat d'échec quant à la concrétisation de l'intégration économique et de l'union entre les peuples du Maghreb, sans toutefois évoquer la responsabilité de Rabat dans l'entreprise de mise en péril des initiatives de paix. Selon le diplomate, depuis la conférence de Tanger en 1958 à la charte de l'UMA en 1989, les blocages politiques ont cassé la volonté d'aller de l'avant des dirigeants maghrébins. Toutefois, il ne perd pas espoir de voir se concrétiser le processus de normalisation algéro-marocain, notamment à la suite de la visite qu'effectuera les 21 et 22 juin courant le Chef du gouvernement algérien au Maroc. “Une visite éminemment politique” L'ambassadeur du Maroc a confirmé ainsi la visite du Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, affirmant même devoir en régler les détails, hier après-midi, avec le ministre algérien délégué à la Coopération et aux Affaires africaines et maghrébines. “C'est une première à ce niveau de représentation entre les deux pays depuis de longues années, et elle revêt un cachet éminemment politique”, dira M. Benryane. Pour lui, elle est d'une importance particulière dans la perspective d'une relance des relations bilatérales. “C'est une aberration que la frontière soit fermée” Tout en prenant le soin de dire que la frontière a été fermée unilatéralement par les Algériens, et qu'ils sont les seuls habilités à la rouvrir, l'ambassadeur marocain a déclaré que “c'est une aberration qu'entre des peuples de pays comme l'Algérie et le Maroc, liés par l'histoire, la langue, la religion, les traditions, etc., il y ait des frontières fermées”. D'après lui, la réouverture de la frontière permettra de “rétablir la confiance entre les deux parties, le retour du commerce licite et à la normalité tout simplement”. Quant aux conditions posées par Alger et qui sont traitées par les commissions mixtes algéro-marocaines, M. Benryane n'en soufflera mot. Le dossier sahraoui éludé En dépit de toutes les questions des confrères relatives au dossier du Sahara occidental, le représentant du roi Mohammed VI a esquivé — en fin diplomate — le dossier en affirmant l'existence “d'une divergence fondamentale sur la compréhension du dossier sahraoui”. Il limitera son intervention sur ce point à cette phrase en affirmant que le cadre n'était pas approprié pour en parler. Il se déclarera, cependant, disposé à parler de la question du Sahara occidental avec les journalistes pour peu qu'il soit sollicité, “parce que personne ne l'a fait depuis que je suis en poste à Alger”, a-t-il affirmé. Les Marocains veulent investir en Algérie Désireux de montrer la volonté du royaume chérifien de tourner définitivement la page des malentendus, Mohammed Saïd Benryane annoncera que des banques et des investisseurs marocains sont intéressés par plusieurs secteurs d'activité en Algérie. Ainsi, certains banquiers envisagent d'ouvrir des succursales dans notre pays. Le secteur minier algérien intéresse énormément des groupes marocains. Il en va de même pour le tourisme. La construction de barrages et l'agroalimentaire revêtent une importance particulière pour des groupes d'investisseurs marocains lorsque l'on sait que le marché européen ne leur est plus accessible depuis le passage de l'Union européenne à vingt-cinq membres. Le politique bloque l'UMA Revenant sur les facteurs qui ont à chaque fois empêché l'Union du Maghreb arabe d'atteindre ses objectifs, l'ambassadeur marocain a insisté sur les divergences dans les systèmes politiques et économiques des pays maghrébins. L'option libérale choisie par le Maroc et la Tunisie était loin d'être en adéquation avec le système du parti unique et du socialisme en vigueur en Algérie pendant de longues années, a déclaré le diplomate. Cette situation a retardé la mise en œuvre du processus de Barcelone, car chaque membre de l'UMA négociait avec les Européens seul, affaiblissant ainsi la région, d'après lui. Poursuivant sur sa lancée, il préconisera “une harmonisation plus marquée des législations des pays du Maghreb”, pour atteindre les objectifs d'intégration économique et sociale. Quant à la non-ratification par le Maroc des accords signés dans le cadre de l'UMA, l'ambassadeur a dit ne pas voir l'utilité de l'opération lorsqu'on voit que les pays qui les ont ratifiés ne les appliquent pas. K. ABDELKAMEL