La situation s'est « normalisée », hier à Ras El Ma, après les violentes émeutes de mardi et mercredi derniers qui ont fait une vingtaine de blessés parmi les forces de l'ordre, dont deux sont toujours hospitalisés, et plus d'une cinquantaine parmi les manifestants selon des informations recoupées. Douze autres interpellations « musclées » ont été effectuées mercredi dans les quartiers de la ville, notamment à Brinssa, le fief de la contestation. Comme exigé par les représentants des manifestants, le wali de Sidi Bel Abbès, Mokhtar Bentabet, s'est rendu jeudi dans la ville garnison de Ras El Ma pour que lui soit remise la plateforme de revendications des citoyens de la région, renfermant dix points. La veille, une marche pacifique était annoncée à 12h pour demander la libération des personnes interpellées mardi. Laribi Cheikh, un ancien enseignant universitaire et membre actif du mouvement associatif local, ainsi que Slimani Benmiloud, écroués pour « outrage à un commis de l'Etat », figurent parmi le lot. « Ces deux individus m'ont insulté et agressé en présence de plusieurs témoins, entre autres, le chef de la brigade de gendarmerie », explique le chef de daïra de Ras El Ma qui dit avoir agi conformément « aux instructions de la hiérarchie ». Il a ainsi déposé plainte contre eux « après l'accord du wali ». Le chef de daïra de Telagh a fait de même, en mai dernier, avec Aziz Fekir, responsable du bureau de wilaya de AHD 54, et Fayçal Benaïssa, président du bureau de Sidi Bel Abbès du Front national algérien (FNA). Ils croupissent depuis à la prison de Telagh dans l'attente de leur jugement.A l'heure prévue, le boulevard principal est investi par une foule compacte. Le dispositif de sécurité est de nouveau déployé après une nuit très agitée. Un engin antibarricades (Unimog) des unités antiémeute est stationné devant le siège de l'APC, prêt à toute éventualité. Une délégation composée de cinq personnes est invitée à négocier avec le délégué à la sécurité (DOPS), M. Mosbah, représentant du wali. Les négociations s'éternisent et ne mènent à aucun résultat. La présence du wali comme unique interlocuteur est plus que souhaitée, elle est exigée. Moins de cinq minutes après, les premiers jets de pierres commencent à pleuvoir. Cagoulés et torse nu, quelques émeutiers n'hésitent pas à s'engager dans « un corps à corps », perdu d'avance pourtant, avec des policiers les nerfs à fleur de peau. A cet instant précis, il est évident que l'approche répressive est condamnée à l'échec, d'autant plus que les revendications des manifestants sont des plus légitimes. C'est au siège de la daïra que les négociations avec le wali autour des différents points contenus dans la plateforme ont été menées, en présence des responsables des services de sécurité et des chefs des daïras de Telagh et de Ras El Ma. Le document lui a été remis par le « porte-parole » des citoyens de Ras El Ma, M. Abdelkaoui, ingénieur d'Etat en chimie industrielle. Le premier point concernait, justement, le départ inconditionnel du chef de daïra à qui il est reproché d'avoir tenu « des propos déplacés portant atteinte à l'honneur des habitants de la région ». Le chef de l'exécutif avait refusé d'effectuer le déplacement lorsque les premiers incidents ont éclaté, excluant, dira-t-il, « toute négociation sous la pression ». Vraiment ? Selon les représentants des habitants de cette région désavantagée, le mouvement de protestation, pacifique au départ, s'est embrasé après les nombreuses provocations et dépassements des policiers. Raison pour laquelle ils revendiquent aussi la libération de tous les détenus interpellés lors de ces événements. « Les forces de police, qui ont fait preuve d'une brutalité inégalée, ont agressé des personnes âgées et ont procédé à des interpellations à la hussarde. De paisibles citoyens ont été arrachés de leur lit, de nuit, pour être conduits à la sûreté de daïra, les témoignages existent... », s'est indigné un représentant des manifestants, en interpellant le wali sur la gravité de la situation des jeunes chômeurs. La réalisation à Ras El Ma de structures administratives et de santé (antennes de Sonelgaz, impôts, Algérie Poste, hôpital), ainsi que l'aménagement du quartier populeux de Brinssa, la lutte contre le trafic de drogue, la création de nouveaux emplois dans une ville où 80% des moins de 35 ans sont des chômeurs, la prévention contre les maladies à transmission hydrique (MTH) et le rétablissement de l'alimentation en eau potable font partie de leurs revendications. Tout autant que le lancement du chantier de la route Mécheria-Ras El Ma et l'alimentation en gaz naturel de la ville. Même s'ils n'ont fixé aucun ultimatum pour la satisfaction des différents points soulevés, les représentants des citoyens de Ras El Ma disent vouloir temporiser et attendre la décision de la justice, surtout concernant les personnes incarcérées. Après le conclave qui s'est tenu jeudi matin à Oued Sbaâ, localité toute proche, auquel ont pris part des représentants des tribus de la région et du guide de la zaouïa tidjania de Ras El Ma, El Hadj Tidjani Tahar, pour dégager la première mouture de la plateforme de revendications, une autre rencontre est prévue demain.