Benmokhtar Litni Ben Mohamed, né en 1963. » Tel est le nom porté sur la carte grise exhibée par le colonel Alioune Ould Mohamed, porte-parole de l'état-major de l'armée, lors du point de presse tenu le 9 juin dernier au cercle des officiers, situé à Nouakchott. En présence des journalistes des médias locaux, de Marie Pierre, journaliste de Radio France international (RFI) et du journaliste d'El Watan, l'officier mauritanien a précisé que ce document a été trouvé dans le véhicule abandonné par les assaillants qui ont attaqué, le 4 juin dernier, le poste militaire de Lemgheity, situé à 340 km de la frontière avec l'Algérie et à 150 km de la frontière avec le Mali. Or l'actuel émir du GSPC porte le nom de Mokhtar Benmokhtar, né en 1972 à Ghardaïa. Il est recherché par les autorités algériennes au point d'offrir pour sa capture une prime de 45 millions de dinars. En plus, cette carte grise, qui a circulé entre les mains des journalistes présents ce jour-là, est établie le 20 août 2003 par la wilaya d'Adrar. Une année où Mokhtar Benmokhtar dit Belaouar (le borgne) est activement recherché à cause de l'affaire du kidnapping des trente deux touristes européens dans le Sud algérien et où la mobilisation des services de renseignements des pays limitrophes à l'Algérie était à son comble. Autre interrogation à propos de cette affaire, celle se rapportant au type de véhicule présenté comme ayant appartenu au groupe assaillant. Le colonel Mohamed Ould Ghazwani, chef du deuxième bureau de l'armée (renseignements militaires), fait circuler une photo qui montre un camion de type Man touché par des tirs d'armes à feu.Ce camion est celui-là même, affirmera le colonel Alioune, dans lequel a été trouvée la carte grise. A la lecture de cette dernière, on pouvait lire que le camion de type Man est immatriculé 0132 297 01 et que le numéro de châssis est 23912431234. Le porte-parole de l'armée mauritanienne indiquera que les services de renseignements de son pays, avec l'aide d'autres Etats (mais sans les citer), ont aidé à l'identification de deux tués parmi le groupe assaillant. Il s'agit, dira-t-il, de « Abdelkh'dim, artificier du GSPC, identifié parce qu'il est gravement atteint aux yeux suite à un accident dû à une manipulation d'explosifs ». Quant à l'autre, ajoute l'officier, « c'est Abdelaziz, médecin-chirurgien de la 5e nahia (région) du GSPC, située aux Aurès, là où de jeunes Mauritaniens ont reçu leur entraînement. Il est le modérateur du groupe ; et quand il y a problème, il règle les différends ». Le fait que les assaillants « aient pleuré chaudement leurs morts » avant de quitter le lieu de l'attaque fera dire au colonel Alioune qu'« il ne pouvait s'agir que de deux lieutenants du chef du GSPC ». A tel point qu'il sera amené à déduire : « Ce qui laisse supposer, et c'est une grande probabilité, que l'agression a été personnellement dirigée par Belaouar. » Voulant coûte que coûte démontrer que c'est le GSPC qui est derrière l'attaque, l'officier mauritanien conclura que son pays a pu authentifier le message revendicatif sur le site internet de ce groupe terroriste. Pourtant, nombreux Mauritaniens sont convaincus que cette affaire n'a pas livré encore tous ses secrets. Beaucoup de zones d'ombre persistent. A commencer par l'identité du groupe des assaillants attribué à Mokhtar Benmokhtar, chef du GSPC. Pourquoi n'a-t-on pas plutôt montré les photos des terroristes tués ? Pourquoi, également, n'a-t-on pas voulu rendre publique la liste des militaires mauritaniens tués ? Pourquoi les treize militaires blessés le sont-ils tous au niveau des jambes ? Autant d'interrogations qui ne trouvent pas de réponses pour l'instant. Malgré les affirmations officielles, tout un mystère entoure cette affaire. Cela dans la mesure où, d'après les avis des analystes, le territoire où s'est déroulée l'attaque de Lemgheity demeure, malgré tout, une zone de repli des éléments du GSPC. Même si la composante de ce groupe terroriste comprend plusieurs nationalités (dont des Mauritaniens), s'accordent à dire les différents services secrets des pays concernés par la traque du GSPC. Des journaux locaux n'ont pas hésité à lier cette affaire au trafic de cigarettes florissant dans cette région frontalière au Mali et à l'Algérie. Selon les statistiques officielles des douanes, précise un journal, un trafiquant mauritanien connu a débarqué en 2003 au port de Nouakchott 400 containers de cigarettes. A 1000 cartons par container et au prix de 110 dollars par carton, le résultat donne le vertige. Un autre journal (Le Méhariste) rappellera l'affaire des dizaines de véhicules Toyota Land Cruiser, chargés de cigarettes Marlboro en provenance de Nouakchott, se dirigeant vers Bordj Badji Mokhtar (Algérie), via Bassiknou (Mauritanie), et pris en chasse et détruits par l'aviation algérienne à l'est de Gao (Mali) en 1999.