Plusieurs voix s'élèvent en France contre une relecture jugée « révisionniste » de la colonisation française en Algérie. L'inauguration prochaine d'une stèle à la mémoire d'anciens membres de l'Organisation armée secrète (OAS) a donné un nouvel élan à ce mouvement suscité par une loi de février dernier en faveur des Français rapatriés. Une stèle doit être dévoilée le 6 juillet prochain à Marignane (Bouches-du-Rhône) sur une parcelle du nouveau cimetière de la ville, attribuée par la mairie à l'association Adimad (de défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française). Cette stèle, érigée selon l'Adimad « à la gloire des fusillés et combattants morts pour que vive l'Algérie française », rendra honneur aux « quatre fusillés » de l'Algérie française : Jean-Marie Bastien-Thiry, auteur de l'attentat du Petit-Clamart contre le général de Gaulle ; le lieutenant Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l'OAS ; Albert Dovecar et Claude Piegts, assassins d'un commissaire de police. Tous les quatre ont été condamnés à mort et exécutés en 1962 et 1963. Ils sont aussi à l'origine de l'assassinat de l'écrivain algérien Mouloud Feraoun. Le projet de Marignane a provoqué un tollé parmi les organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme. Plusieurs d'entre elles ont réclamé son interdiction et appelé à manifester à Marignane le 6 juillet. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Parti socialiste), Michel Vauzelle, a lui aussi demandé son interdiction. Plusieurs parlementaires français ont exprimé leur indignation dans des questions écrites au gouvernement. Le sénateur PCF du Rhône et vice-président du Sénat, Guy Fischer, a indiqué que son groupe préparait une proposition de loi visant à supprimer les articles contestés et à « interdire toute apologie des crimes » de l'OAS. La fondation Charles de Gaulle, présidée par Yves Guéna, est aussi en colère contre la prochaine inauguration de la stèle de Marignane. Elle dénonce « une offense au général de Gaulle et une atteinte à la République ». « Nous nous sentons tenus, alors qu'approche la date de cette initiative, d'en appeler à l'opinion publique et aux plus hautes autorités de l'Etat. Un tel geste, s'il était accompli, serait non seulement une offense au général de Gaulle, président de la République, lui-même cible des assassins de l'OAS, mais aussi une atteinte à la République et à la France », affirme la fondation dans un communiqué. De son côté, la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes a demandé au ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, d'interdire cette inauguration qui est, selon elle, « en totale contradiction avec les valeurs humanistes de la France et de nature à troubler l'ordre public ». Pour la fédération des déportés, « quelle que soit l'opinion de chacun sur la guerre d'Algérie, une vérité historique est incontournable : les gens de l'OAS ont tué sans discernement, aussi bien en Algérie qu'en France ». L'érection de cette stèle intervient après l'inauguration de monuments similaires ces dernières années à Toulon, Béziers, Théoule (Alpes-Maritimes), Perols (Hérault) et Perpignan. Pour les associations françaises, il s'agit d'une démarche « révisionniste », d'une « réhabilitation du fait colonial » et d'une tentative d'imposer une vision « partielle et partiale de l'histoire ».