Aujourd'hui, la fontaine, cœur de la ville, épousera une installation d'une dizaine de plasticiens de Sétif et d'autres venus d'Alger. « Hibroun aâla waraq » s'achève aujourd'hui à Sétif au bout de quatre journées de tractations, de pertes et de gains. Les lectures-débats de « Hibroun aâla waraq » ont attiré un public indésirable au départ, finalement nombreux, arbitre et attentif à ce qui se déclamait sur scène. La première soirée a vu défiler les textes de Bachir Mefti, Mokhtar Chaâlal, Sofiane Hadjaj et d'autres auteurs morts ou vivants, des lectures des comédiens de « Les Compagnons de Nedjma » et celles très appréciées de Bernard Garnier de Grenoble ainsi que des professeurs de l'université de Sétif. La guerre, un thème imposé, estiment certains, a éclaté dans le débat qui a suivi. « Qu'est-ce qu'une guerre ? », se demande-t-on après tout. Revenant comme un cri, cette dernière est pourtant présente, définitive. Entre Guillemette Grobon de l'association lyonnaise Gertrude II, militante de « l'égalité entre les femmes et les hommes, à travers diverses formes artistiques », et Hajar Bali de l'association Chrysalide, à Alger, toutes deux initiatrices de l'évènement, le débat des auteurs se transforme en liquide instable de raisons incompatibles. Bachir Mefti déplore une récupération que cacherait l'élection de Assia Djebar à l'Académie française. Il n'en fallait pas plus pour que Sofiane Hadjaj proteste et que Mokhtar Chaâlal quitte le plateau avant d'y revenir, excédé peut-être par la volatilité des propos en cette soirée de lundi. Prises de becs et de nerfs. Sur l'avenue du 8 Mai 1945, aux abords des cafés, des liasses de billets de banques de différentes provenances fouettent l'air surchauffé de la sieste sétifienne. A la maison de la culture Houari Boumediène, où les ateliers de danse, de théâtre et de réalisation plastique ont été installés, les portes en fer grandes ouvertes au premier jour se rétractent sans bruit, laissant une étroite fente en guise d'accès. Là aussi le public juvénile est nombreux. Studieux, parfois impressionnants de tact et de performance, des danseurs de la ville se mesurent aux Lyonnais Pokemon Crew, groupe de break dance hip-hop, champion du monde en 2004, venu exposer ce qu'il sait autour du corps et de la danse qu'il pratique. Sur la place de Aïn Fouara, Abdellah Ghedjati, artiste peintre de Sétif, tend une large bande de tissu de 26 m de long. Sur le dallage, il trace son ouvrage en noir et rouge, aidé par Mohamed Massen, artiste peintre d'Alger en bleu de travail. Le vendeur de crème glacée offre ses chaises en plastique pour stabiliser l'ouvrage ; des enfants s'intéressent et insistent pour mettre la main à la pâte après les explications amusées des artistes. Les « prieurs », se dirigeant à l'antique mosquée en bordure de la fontaine, en discutent d'un air grave et promettent de revenir après avoir réglé leurs dettes avec Dieu. Aujourd'hui, la fontaine, cœur de la ville, portera l'empreinte finale de « Hibroun aâla waraq », une manifestation qui a joué du masque sans le porter.