C'est l'heure des comptes au sein de la troïka présidentielle. Quatre mois seulement après sa naissance, dans le climat ambiant ayant précédé la présidentielle du 8 avril dernier, la structure regroupant les trois partis au pouvoir, à savoir le RND, le FLN et le MSP, semble arriver à une étape décisive qui déterminera la suite de son parcours. Cette structure, appelée « Alliance présidentielle », qui n'est que le prolongement logique de la « coalition » de 1999, cherche toujours, dans un environnement hétéroclite, son équilibre tant voulu par ses architectes. Le MSP, qui s'est engagé à bras-le-corps pour le compte du président Bouteflika, ne semble pas satisfait des dividendes tirés de ce dévouement. Les dernières déclarations de Bouguerra Soltani n'étaient pas faites pour démentir cet état de fait. L'héritier de Mahfoudh Nahnah n'a eu point d'hésitation à formuler des critiques envers l'Exécutif, et plus explicitement à l'encontre du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia tant sur la manière dont ce dernier met à exécution le programme du Président que sur son choix des priorités. Si le président du MSP justifie ses propos par le fait que sa formation garde toujours sa substance et ses principes fondamentaux et, par ricochet, a le droit d'émettre des « observations » qu'elle juge utiles pour assurer la bonne gouvernance, il n'est pas à écarter que cela est l'expression de son insatisfaction quant à sa position au sein du gouvernement. Avec seulement quatre portefeuilles ministériels, le MSP se sent lésé par rapport aux deux autres partis de l'Alliance : 16 portefeuilles pour le FLN et huit pour le RND. D'ailleurs, Soltani a qualifié, dans une conférence de presse jeudi dernier, le remaniement gouvernemental intervenu après le 8 avril dernier, d'« inutile », d'autant plus qu'il ne s'agissait pour lui que d'un « petit changement » qui ne reflète pas l'« essence » des résultats de cette présidentielle. Les propos de Soltani sonnent à la fois comme un cri de mécontentement et une demande, ou plutôt une volonté, de « renégocier », au sein de l'Alliance, la place de sa formation dans le gouvernement. Une telle motivation qui a sa raison d'être d'autant plus qu'un nouveau remaniement s'annonce imminent à la rentrée sociale. De là, Soltani tentera de négocier d'autres portefeuilles avec Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, à l'occasion de la réunion cyclique, dans le cadre de l'Alliance, qui se tiendrait avant la fin août. Même si cela ne figure pas à l'ordre du jour, l'approche du MSP quant à cette structure, qu'il considère comme un « espace d'équité » pour les trois partis, rend une telle question possible. D'ailleurs, Ahmed Dane du MSP le dit clairement : « Le pacte de l'Alliance présidentielle n'est pas encore mis en application sur le terrain. Nous sommes toujours dans le cadre de la coalition de 1999. » Il considère également que la représentativité du parti au sein du gouvernement n'honore pas son « rôle joué dans la présidentielle ». C'est ainsi que le MSP compte « faire dans l'agitation » pour qu'on lui accorde plus d'attention et, bien entendu, d'importance. Mais selon les observateurs avertis, la démarche de Soltani risque de provoquer une « crise » au sein de l'Alliance. Le RND, par la voix de son porte-parole Miloud Chorfi, considère que cette Alliance a un seul objectif : accompagner le programme du président de la République et veiller à son exécution. Quant au FLN, parti majoritaire au gouvernement et au Parlement, il ne semble pas être prêt à revenir sur ses acquis au profit de l'Alliance. C'est ce qu'a affirmé hier Si Affif, membre de la direction provisoire du parti, qui disait que le FLN ne « cédera pas un iota de sa part au sein du gouvernement », se référant ainsi aux scores enregistrés dans les élections législatives du 30 mai 2002. Et pour répondre à Soltani, il dira que « les partis de l'Alliance gardent toujours leur autonomie et sont libres dans leur point de vue ». Dans cette logique, le MSP sera en fait le « parent pauvre » de cette Alliance vu son positionnement à l'APN et ses résultats lors des élections locales d'octobre 2002. Et comme disait un écrivain français : « En politique, on ne s'entendra jamais. » Soltani tente de faire pression sur ses alliés en leur demandant des comptes sur l'argent de la relance économique et la gestion des affaires de l'Etat.