Mardi. Le soleil se fige « trop près » de Hammadi, en ce début d'après-midi d'une chaude journée d'été. Et la ville étale au grand jour les motifs d'insatisfaction de ses habitants. Comme pour nous mettre dans la confidence de l'impuissance de ses services de la voirie, cette commune de l'extrême sud-ouest de la wilaya de Boumerdès, aux limites d'Alger et de Blida, vous accueille en vous invitant à enjamber son petit oued pollué. Ordures de toute sorte s'y mêlent à des eaux usées stagnantes qui dégagent des effluves insupportables. L'odorat et la vue sont ainsi agressés dans une localité qui a tous les moyens pour souhaiter à ses visiteurs une « bienvenue » autrement plus marquante. Hammadi s'étend sur une des plaines les plus fertiles d'Algérie et couche sur des réserves d'eau consistantes. « Ce qui devrait contribuer à substituer à ces signes d'apocalypse des paysages pleins de vie », commente un citoyen que nous avons rencontré à la station de bus, à quelques dizaines de mètres de l'entrée de la ville. « J'ai travaillé durant des années comme chauffeur à l'ex-RSTA, depuis 1962. Au lendemain de l'indépendance, on avait peu de moyens et très peu de compétences, mais nous étions plein de volonté et avions pu insuffler au pays une dynamique de développement. Aujourd'hui, plus rien. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe dans cette station. C'est l'anarchie totale. Les transporteurs prennent qui ils veulent, marquent les arrêts qu'ils veulent et prennent la destination qui les arrange », nous dit un septuagénaire. C'est que certains citoyens ont « développé une mentalité née de l'absence de l'Etat, induite par la forte présence terroriste dans cette région durant des années », explique un commerçant. La gare routière, c'est la vitrine de la ville ; c'est elle qui nous donne la première impression de ce qui nous attend. Et celle de Hammadi est poussiéreuse, désordonnée, sale, et le voyageur n'est pas à l'abri du soleil et de la pluie. Un autre citoyen que nous avons rencontré au centre-ville nous dira qu'« il y a une volonté de développer Hammadi, mais il manque la planification. Il y a de nouveaux investissements qui ont généré pas mal d'emplois, mais la ville semble souffrir annuellement du manque, voire de l'absence de planification en termes d'urbanisme. Des constructions poussent comme des champignons et renseignent sur les carences en aménagement ». Le problème de revêtement des rues du chef-lieu de la commune revient sur toutes les langues. A la nouvelle cité, par exemple, nous avons constaté que les accès ne sont pas encore goudronnés. « Les travaux débutent, s'arrêtent, reprennent, s'arrêtent encore et recommencent. Voilà 6 mois qu'ils sont en train de réparer cette fuite d'eau, et ils en sont à la troisième », nous affirme un commerçant du coin, en nous indiquant une rue défoncée couverte d'eau qui jaillit d'une cassure de la conduite. « Les riverains viennent ici avec leurs jerricans pour s'approvisionner, et les travaux sont toujours défectueux parce qu'ils sont réalisés par des entreprises qui ont tout à gagner à revenir sur les lieux ‘‘du crime'' ». Une source proche de l'APC nous confiera que l'on attend l'achèvement des travaux de réalisation d'une déviation pour désengorger le centre-ville et s'occuper ensuite du revêtement de ces routes. Si au centre-ville les citoyens ne se plaignent pas de coupures prolongées d'eau, à Ouled Brahim, une région située à 2 km du village, les habitants parlent de « mourir de soif ». COUPURES D'EAU ET D'ÉLECTRICITÉ « La dernière fois, nous avons passé plus de 10 jours sans eau. Et le problème n'est pas nouveau. Nous nous sommes déjà plaints l'année dernier, mais sans résultat ». Le P/APC incombe ces coupures à « des pannes électriques ». Le poste de transformation est, semble-t-il, insuffisant. « Alors là, les coupures de courant ! N'en parlons pas. Il y a des usines à Ouled Brahim et les foyers se sont multipliés ces dernières années, ce n'est donc plus possible de continuer à alimenter le village avec les mêmes moyens », commente un autre citoyen qui tout au long de la discussion délie sa langue, mais, comme tous les autres, il requiert l'anonymat. Un vétérinaire appuiera ces déclarations : « J'ai travaillé à Ouled Brahim durant 7 ans, mais j'ai été contraint à partir à cause de ces coupures d'électricité. Je perdais beaucoup de vaccins ». Beaucoup de citoyens que nous avons rencontrés à Hammadi se rappellent « les tuyaux très fragiles utilisés dans le réseau d'assainissement de Ben Ouaddah ». « Ils se cassaient dès qu'on les mettait dans les fossés, mais ils les ont couverts de terre comme si de rien n'était. Quelques mois après, il a fallu tout refaire. Cela s'est passé il y a 3 ou 4 ans. Une catastrophe ! », nous dit-on encore. A Ben Ouaddah, on réclame la réfection de l'accès de leur village à partir de la route principale, et on se plaint de l'insuffisance du ramassage des ordures ménagères. Un seul tracteur est affecté à Ben Ouaddah et à Ouled Brahim à cet effet. Et comme il ne suffit pas, une bonne partie des déchets va dans les quatre coins de ces villages ou dans l'oued. Et là encore revient le sempiternel problème d'eau et les coupures pénalisantes. « Il faut que les autorités agissent vite pour apporter des solutions à cette calamité et au diktat des transporteurs. Leurs véhicules sont vieux et représentent un véritable danger public. Il y a eu des cas où des portières de fourgons sont tombées en cours de route, alors que le véhicule est bondé de monde », nous dit un père de famille, Ali, travaillant dans une petite usine de la région. Puis d'autres se joignent à la discussion pour nous parler des autres villages. Ben Hamza avec sa route « impraticable » et ses eaux usées « déversées dans des fosses polluant les nappes d'eau ou l'oued Hamiz », Semaïdia, à 2 km du chef-lieu, souffre du manque de transport parce que « difficile d'accès, vu la dégradation de sa route », Ben Amar là, la vie n'est pas plus facile... « A chaque réclamation, les autorités nous répondent qu'elles attendent que les habitants finissent leurs travaux pour procéder aux aménagements nécessaires », a-t-on expliqué. Une autre catégorie à exprimer son amertume : les fellahs. « L'an dernier, on avait quatre vétérinaires dans la commune. Aujourd'hui, ils ne sont que deux. Cela est révélateur du recul de l'élevage dans la région. Et en 2004, le cheptel de Hammadi était composé de 1676 bovins et 4065 ovins. Cette année, il n'y que 1300 bovins et 3100 ovins. L'espace agricole est envahi et se restreint, l'eau manque et la vocation agricole de Hammadi se perd. Dommage ! Mais regardez ! », et il nous indique une demi-douzaine de tracteurs-citernes stationnés non loin de la gare routière attendent des clients à approvisionner en eau. Or, il est évident que « la commune consent un effort pour son développement. Le tissu urbain s'est étendu, bien que anarchiquement parfois, et de nouvelles infrastructures sont érigées presque chaque année. Il y a surtout l'ouverture de quelques nouvelles fabriques qui ont éperonné la vie économique de la commune », comme l'expliquèrent nos interlocuteurs.