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Idéal et réalité
Le technopôle de Sidi Abdellah et le système de recherche-développement national
Publié dans El Watan le 06 - 07 - 2005

Il est essentiel de noter que l'expérience internationale démontre qu'un transfert horizontal de technologie doit être associé à un transfert vertical dans le pays receveur. En d'autres termes, le point d'entrée de la technologie importée doit être, autant que possible, un laboratoire où la nécessaire adaptation peut se faire, plutôt qu'une unité de production ; avec bien sûr un personnel capable de la maîtriser.
Dans ce sens, pour qu'un développement industriel soit durable, il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques cohérentes de formation de scientifiques et d'ingénieurs hautement qualifiés, une infrastructure de base et des activités qui s'inscrivent dans une politique à long terme. En effet, un pays ne peut résoudre ses problèmes de développement économique et social s'il ne dispose pas d'un système de R&D intégrant la recherche scientifique et technologique, le développement expérimental et les services scientifiques et technologiques qui sont dûment articulés, en amont, avec le système éducatif et, en aval, avec le système de production de biens et de services (5).
Réponses stratégiques
Compte tenu de ce qui précède, et prenant appui sur les orientations et les prises de position officielles de la plus haute instance du pays, et partant du fait de la remise en question du modèle de notre système de R&D national parce qu'il ne semble plus adapté aux exigences actuelles du développement technologique, nous proposons un modèle d'organisation de la R&D national qui pourrait s'intégrer dans le projet de Cyberpark de Sidi Abdellah dénommé « Pôle de développement scientifique et technique ». Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'Algérie possède toutes les composantes et la taille critique idéale pour créer un seul pôle de développement scientifique et technique. Le pôle ou centre intersectoriel et interuniversitaire serait occupé par un noyau d'élites à rayonnement international, multidisciplinaire et visant un leadership au moins au niveau africain dans certains domaines de pointe. Pour cela, il conviendrait d'envisager de rapatrier les ingénieurs et les scientifiques algériens résidants à l'étranger, comme l'a fait avant, par des incitations financières depuis 1968, la Corée du Sud(6) (entre 1968 et 1991, la Corée aurait rapatrié 1971 scientifiques provenant en majorité des Etats-Unis) et maintenant la Chine, l'Inde, et d'autres pays suivent le même exemple. Il conviendrait de constituer pour chaque secteur d'activité des réseaux : un réseau de recherche fondamentale, un réseau d'innovation technologique, un réseau de formation, etc. Il est essentiel qu'au sein du pôle de développement, les diverses composantes connaissent et acceptent leurs fonctions respectives et complémentaires. Tous les éléments du pôle développement n'auraient pas nécessairement une vocation internationale et il est absolument nécessaire de valoriser aussi les composantes à vocation locale, visant plus l'exploitation et l'adaptation des connaissances existantes. Au sein de ce noyau, les principes de gestion seraient très différents de ceux appliqués actuellement. La mobilité des chercheurs serait la règle du jeu, impliquant de fréquents voyages, échanges de chercheurs, organisation de nombreux séminaires internationaux. La créativité d'équipes serait davantage récompensée que l'individualisme scientifique. Les activités de recherche ne seraient pas gérées sur la base d'un découpage structurel en départements, mais de façon horizontale et flexible selon un principe de cohabitation d'un ensemble de projets et de programmes à caractère temporaire. Chaque projet serait exécuté par une équipe qui comporterait un certain nombre de scientifiques seniors, assistés de scientifiques juniors effectuant une thèse de doctorat. Le sectorialisme serait évité en stimulant l'interaction des projets de natures très différentes : en sciences de la vie, sciences des matériaux, de l'information et de l'environnement, les projets jouiraient surtout de logistiques communes avec accès aisé à un réseau de superordinateurs et à des moyens télématiques très performants. Enfin, les salaires des chercheurs y seraient à la hauteur de l'importance que représente la R&D pour l'économie nationale. Plutôt que de faire intervenir une lourde bureaucratie, l'ensemble serait soutenu par des sociétés de service prenant en charge l'organisation des congrès, les publications, les transferts de technologie, la coordination de projets et les problèmes de protection intellectuelle. Une très grande importance serait accordée à la formation et au transfert des connaissances, tant vers les universités que vers l'industrie. Mais la formation ne concernerait que le troisième cycle (magistère et doctorat) ainsi que le recyclage. Le pôle aurait pour mission de fournir un nombre appréciable de chercheurs de haut niveau, formés pour la recherche, par la recherche. La fonction prioritaire des universités serait explicitement la formation du premier et du deuxième cycle, et le principe de base selon lequel toute formation universitaire doit baigner indiscutablement dans un environnement de recherche serait adapté au contexte actuel. Il convient d'insister sur le fait que l'enseignant doit consacrer une part de son temps à la recherche, comme cela est de règle dans les pays développés. La mission des universités est de rendre un service à long terme, en ouvrant l'esprit des jeunes à l'évolution du monde, en les formant tant au travail personnel que collectif, en les habituant à assimiler rapidement des connaissance de plus en plus complexes et éphémères, en plus développer l'esprit d'initiatives, la capacité à s'intégrer à des équipes multidisciplinaires et l'aptitude à communiquer leur savoir. La réalisation de cet objectif de formation nécessite une réorientation des structures de formation des personnels en question. L'effort doit porter en premier lieu sur la rénovation du contenu des programmes de formation et qui contribuerait de façon significative les initiatives déjà entreprises dans ce domaine. Une réorganisation de l'ensemble ne peut donc être que le résultat d'une réaction en chaîne basée sur un plan stratégique par étapes. La première étape, l'étincelle en quelque sorte, comme celle du 1er Novembre 1954, consisterait à créer au niveau national le noyau central dont il est question plus haut en associant les chercheurs algériens à rayonnement international résidant à l'étranger, de très haut niveau scientifique, axé sur les technologies de pointe (technologies de l'information, biotechnologies, nouveaux matériaux). Concrètement, comme il nous semble préférable de commencer par regrouper les ressources existantes plutôt que d'en recréer d'autres de toutes pièces, une concertation devrait être organisée entre les différents acteurs concernés en vue d'aboutir à une proposition « d'accord de collaboration ». Ce n'est qu'en coordonnant les efforts, en concentrant les moyens et en regroupant les ressources humaines et financières, que l'Algérie pourra créer les conditions permettant d'exploiter et de valoriser le potentiel humain et technologique dont elle dispose. Il convient pour cela de faire un inventaire de moyens disponibles c'est-à-dire le potentiel scientifique et technologique national en vue de regrouper l'essentiel dans un nouveau centre commun. En bref, notre proposition de réorganisation et de rationalisation consiste donc à créer « un consortium interuniversitaire et industriel » avec comme objectif de développer ensemble un programme multidisciplinaire axé sur les technologies de pointe, et d'assurer la formation de haut niveau, dans le cadre d'un vrai troisième cycle. La présente analyse, évidemment incomplète étant donné l'ampleur du problème, vise surtout l'ouverture d'un débat. Il est temps et justifié de faire une étude plus fouillée, impliquant un diagnostic plus approfondi, basé sur des consultations dans les milieux industriels, universitaires, administratifs et politiques, pour aboutir à la formulation d'un plan stratégique détaillé. Comme nous le montre le Japon, ce sont les pays qui acceptent de faire un examen de conscience, et qui sont capables de prendre les mesures énergiques sur le plan structurel, qui partent gagnants. Notre pays a des atouts : les ressources minérales et énergétiques, une matière humaine jeune et riche, et une prise de conscience des jeunes chercheurs. Sachons nous organiser. On insistera jamais assez que la situation qui prévaut en Algérie ne cessera de peser sur elle qu'à la condition que s'opère un profond bouleversement des mentalités, des habitudes, des comportements, de la culture et de l'école. Car pour une société qui veut relever le défi du développement, plus que le capital connaissances, ce sont les attitudes individuelles et collectives qui importent.
Références :
5) Conférence sur le développement de l'électronique dans les pays arabes - CEN-ENIE-ONUDI, Sidi Bel Abbès, janvier 1986.


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