35° à Alger et ses environs. Il est grand temps de se jeter à l'eau. Cela fait déjà un petit moment que le gargotier du coin s'est converti, pour la saison, en magasin d'équipement de plage. Bouées de toutes sortes sont exposées et promettent un séjour dans l'eau des plus joyeux. Requins, crocodiles, raquettes de ping-pong, sceaux, râteaux, pelles... Un camaïeu de couleurs et de modèles pour nourrir l'imagination, déjà fertile, des chérubins. Mais tout ça pour une catégorie bien ciblée de vacanciers. il reste ceux pour qui le requin en plastique sur l'eau n'a aucune utilité. C'est lui le requin à la recherche de viande bien fraîche. Celui-là, du haut de ses 18 ans, le bac en poche, du moins c'est ce qu'il affirmera aux filles, a d'autres préoccupations pour préparer ses vacances. Il y a d'abord les enfants à contenter pour le père de famille. Quelques ustensiles de plage sont proposés pas cher dans les marchés et permettront aux enfants de monter un château de sable ou de creuser à la recherche d'un trésor. La nature fera le reste... les coquillages serviront à faire les yeux, les sacs en plastique qui jonchent nos plages aideront l'enfant à habiller son bonhomme de sable. Et à défaut de trouver une carotte pour faire le nez, il restera bien un mégot ou deux dans les algues asséchées. Ainsi, les jouets en plastique doivent faire entre 100 et 250 DA au bazar. Ce qui coûte cher, c'est la glacière qui fait dans les 2500 DA, le parasol 800 DA, et qui n'a rien de prévu pour accrocher le sable et ne pas s'envoler. Les nattes font environ 100 DA chez un marchand chinois au marché de Bab El Oued. Mais il faut faire vite, car les commerçants de Bab El Oued, non contents d'être concurrencés par un Chinois, lui ont donné deux jours pour quitter les lieux. Les chaises en plastique, qui permettent à madame d'être convenablement assise, sont cédées à 800 DA. « Lizar » fait... euh...pas besoin, on va prendre la nappe qu'il y a sur la table de la salle à manger. C'est qu'on est déjà à plus de 3000 DA. Sans compter, la place de parking pour garer sa voiture en toute sécurité, à 50 DA. Si on se rebelle et qu'on refuse de payer, il va falloir trouver une autre plage pour la prochaine fois. Si on revient, il faut prévoir une roue de secours. Les petits jeunes qui gardent les voitures aux abords des plages ont la rancune tenace si on ne les paie pas. Il y a de quoi. Qui aimerait faire le pied de grue toute la journée à surveiller des voitures sous un soleil de plomb, tandis que d'autres jeunes plus chanceux sont en train de barboter dans l'eau. Mais c'est une astuce : faire une plage différente chaque jour et ne pas payer la place de parking. Pour les plus consciencieux, il reste la crème solaire indice 30 ou écran total pour le petit bébé à la peau blanche. Un conseil : lui faire porter un tee-shirt, lui donner à boire régulièrement, le protéger avec un large chapeau ou une casquette et éviter les heures les plus chaudes. Les risques d'hydrocution ou de déshydratation sont importants à cette période de l'année. Les mêmes consignes sont données lorsqu'il y a des enfants en voiture et que le trajet s'avère être long. A cause des pauses pipi du petit dernier de trois ans. Pour le repas de midi, des sandwichs feront l'affaire. A la tomate, car elle ne coûte pas cher et est gorgée d'eau. Le tour est joué. Plus on est jeune, plus cela coûte cher Les fameuses lunettes de soleil ! Celles qui sont à la mode et qui donnent une allure à la James Dean. Non, James Dean c'est pour les vieux. Celles qui donnent une allure à la Brad Pitt ou Di Caprio. Ces lunettes font entre 200 et 1500 DA. Et on peut faire illusion avec celles à 200 DA récoltées sur les trottoirs de Belcourt. Car c'est l'homme qui fera les lunettes et pas l'inverse. La serviette de plage fera l'affaire. ça fait plus viril qu'une natte de paille. Le jeune homme a économisé depuis fort longtemps. Il ne tient pas à s'embarrasser d'un parasol. Il en louera un sur place. Il a investi dans une crème bronzante qui devra lui donner une peau satinée et brillante lorsqu'il contractera ses muscles, à demi-allongé sur sa serviette. La crème solaire a un second emploi : il l'étalera sur ses cheveux lorsqu'il sortira de l'eau, comme de la gomina, et sera ainsi assuré de ne pas se retrouver avec une paillasse frisée au séchage. Son maillot sera choisi avec goût. Il doit également être à la mode, voire assorti avec ses lunettes de soleil et son portable. Ah, son portable. On devrait engager des jeunes pour surveiller les portables sur la plage, car comment faire lorsqu'on veut aller faire trempette. Quelques billets en poche en cas où le jeune homme établirait un lien suffisamment sérieux avec une dulcinée et lui proposer... un « créponet », un sorbet au citron. Le restaurant, ce sera pour la prochaine fois. Si elle est patiente. Mais surtout, le jeune homme prévoit un lavage intensif de sa voiture et des K7 avec des titres à la mode pour une tournée entre copains sur le littoral algérien. Les enfants, que d'économies ! Ils adorent descendre à la plage du quartier comme les Deux Chameaux à Bab El Oued et faire des plongeons entre copains du collège. Ils ont environ 11 ans et sont généralement les plus bronzés à la fin de la période estivale. Les plus heureux aussi. Le bonheur est simple à cet âge-là. Il prendra une gourde à 50 DA remplie d'eau et un sac en plastique avec dedans un sandwich qu'il se sera fait tout seul en vitesse. Généralement, rien n'est prévu à l'avance. Ses copains en se dirigeant vers la plage font une halte à chaque maison où réside un copain de leur âge. Tout se décide à la dernière minute. Les bouées, c'est pour les bébés, hors de question d'en prendre. Idem pour la casquette ou le tee-shirt qu'il s'empressera d'enlever une fois arrivé sur les lieux. La crème solaire, c'est pour les filles. A tout casser, il se passera un peu de « zit zitoun » sur la peau qu'il a mis dans une petite bouteille d'eau. Une serviette pour se sécher. L'affaire est jouée. Il rentrera vers 20 h tout heureux et fatigué. Aujourd'hui, il a réussi à épater les copains avec un plongeon.