Décès du pape François: le président de la République présente ses condoléances    Le président de la République reçoit le ministre turc des Affaires étrangères    Vignette automobile : fin avril, dernier délai d'acquisition    Le 1er salon national de la photographie en mai à Béni-Abbès    Début des travaux de la 3e session de la Commission de planification algéro-turque    Lutte contre la désinformation: l'UA salue l'engagement constant de l'Algérie en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique    Ouverture à Alger du "ICT Africa Summit 2025"    Constantine : clôture de la 14e édition du Festival culturel national de la poésie féminine    Djamaâ El-Djazaïr : nouveaux horaires d'ouverture à partir de lundi    Décès du professeur Walid Laggoune : le président de la Cour constitutionnelle présente ses condoléances    Palestine : des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade d'Al-Aqsa    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.240 martyrs et 116.931 blessés    Retailleau ou le « quitte ou double » de la politique française en Algérie    L'étau se resserre !    L'ESBA à une victoire du bonheur, lutte acharnée pour le maintien    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    Les bénéficiaires de la cité 280 logements de Kheraissia inquiets    Tirer les leçons de la crise de 1929 et celle de 2008    Diolkos, le père du chemin de fer    Femmes et enfants, premières victimes    Le Conseil des ministres approuve l'abaissement de l'âge de la retraite pour les enseignants des trois cycles    Réunion d'urgence FAF: Présidents des clubs de la ligue professionnelle mardi    Formation professionnelle : lancement des qualifications pour les Olympiades des métiers dans les wilayas de l'Est du pays    Fédération algérienne de Boxe: le président Abdelkader Abbas prend part à la réunion de la World Boxing    Poursuite des pluies orageuses sur plusieurs wilayas du pays, dimanche et lundi    Le président de la Fédération équestre algérienne élu au Conseil d'administration de l'Union arabe d'équitation    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Les enjeux des changements climatiques et de la biodiversité débattus    Des matchs à double tranchant    Mobilis : Les médias à la découverte de la 5G    Nessim Hachaich plante les couleurs nationales au plus haut sommet du monde    Rencontre sur les mécanismes de protection    L'Institut d'agriculture de l'Université Djilali-Liabes invite les enfants de l'orphelinat    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La mer devant vous, le chômage derrière vous
L'INQUIETUDE DES JEUNES APRÈS L'INTERDICTION À LA BAIGNADE DES PLAGES D'ALGER-OUEST
Publié dans Liberté le 09 - 07 - 2003

Des jeunes du “tachghil chabab” qui râlent, ne sachant trop à qui fourguer leurs parasols, des parkings vides, du soleil inutile, une mer malade, des gendarmes qui encerclent les plages, un pays maudit. Bref, l'été 2003 est dans la stricte continuité de ce qui précède : mortel.
“Al bahrou amamakoum wa chômage waraakoum !” Beau détournement de la célèbre devise de Tarek Ibn Ziyad. C'est ce que semblent dire les jeunes de Staouéli et de Zéralda, directement touchés par la dernière “cata” en date. De fait, depuis que les autorités ont décrété la fermeture de certaines plages d'Alger-Ouest (en particulier celles d'Azur-Plage et de Palm-Beach), une vive inquiétude s'est emparée des prestataires de services de ces stations balnéaires qui, du coup, se retrouvent devant une saison estivale “à blanc”. “Nous n'avons que l'été pour gagner un peu d'argent. Nous n'avons pas la moindre source d'emploi. Nous passons neuf mois au chômage, guettant avec impatience que l'été arrive pour travailler un peu. Et quand enfin le soleil nous a souri, voilà que cette interdiction tombe comme un couperet pour nous arracher notre gagne-pain.”
Fatah, 26 ans, est sur les nerfs. Debout depuis 6h, il n'a pratiquement pas loué de parasols aujourd'hui. Il est obligé de faire quasiment du “racolage”, se jetant sur les rares automobilistes qui pointent. D'ailleurs, c'est lui qui est venu vers nous. Dès que nous avons stationné, plusieurs loueurs de parasols comme Fatah nous ont proposé leurs services. 100 DA la journée pour un parasol, 200 à 400 DA pour un transat. Mais depuis deux ou trois jours, c'est la dèche. Meyta. Pas baigneur qui vive. Une pancarte dont le pied est fraîchement planté dans du ciment indique en toutes lettres “Sibaha mamnouâ”. Baignade interdite. Pas loin, une plaque ancienne indique tout le contraire, avec la mention “Plage autorisée”.
Sur le sable, quelques chaises longues clairsemées où languissent des estivants mdigoutiyin qui regardent la mer avec l'avidité d'un affamé assis devant un plat savoureux sans pouvoir le dévorer. Fatah est excédé : “J'ai failli mourir dans cette plage. L'été dernier, une bombe a explosé tout près de moi. J'ai grandi ici, j'ai passé toute ma vie ici et, aujourd'hui, on vient me dire que la plage est impropre à la baignade ! Comment ça ? Depuis quand ? Pourquoi, au Club-des-Pins, il n'y a jamais de pépin ? C'est normal. Là-bas, on nettoie la mer à l'eau de Javel. Ici, c'est la plage des zaoualia !”
Le jeune homme nous explique qu'il a mis toutes ses menues économies, lui et ses deux frères, pour arriver à arracher cette base. “Nous avons dû débourser 52 500 DA pour obtenir ce job. L'APC a pris le fric et bye-bye ! Maintenant, si cette histoire dure, comment va-t-on amortir notre investissement ? Déjà, en temps normal, on travaille juste-juste. On met six ou sept briques de côté, de quoi gérer la saison morte, sans plus. Mais avec cette malédiction, c'est la totale. On ne va même pas pouvoir récupérer nos sous. On est déjà à la moitié de l'été. À partir du 15 août, il n'y aura plus de clientèle.”
Sous l'œil des gendarmes
Nous sommes à Palm-Beach. La plage est, là encore, presque déserte jusqu'à la mi-journée, à quelques inconditionnels près. En plus des maîtres-nageurs et autres éléments de la Protection civile, une nouvelle équipe de vigiles a fait son apparition tout au long des plages interdites : les gendarmes. En kalachnikov ou en tenue cool et, néanmoins, en short “réglementaire”, ils sont là. Intraitables. “Nous avons reçu des instructions fermes : aucun baigneur n'est autorisé à mettre les pieds en mer”, nous dit un jeune brigadier. Pourtant, quelques téméraires s'y risquent, à l'instar de ce gringalet, venu de Bou-Ismaïl, qui avoue jouer à “cache-cache” avec les gendarmes. “Moi, je n'ai pas peur des bactéries. C'est de la foutaise, tout ça. Je me baigne et je n'ai cure des conséquences. Les gendarmes ont essayé de m'en dissuader. Je leur ai raconté que je devais récupérer un ballon qui avait échoué dans l'eau”, assure notre garnement avec espièglerie.
Contrairement à Azur-Plage, ici, pas de plaque qui indique que la plage est “momentanément en dérangement”. Des vacanciers l'ont appris à leurs dépens, à l'instar de ces trois jeunes filles qui se sont baignées sans savoir que la plage était interdite. “Vous venez de nous l'apprendre. Nous n'avons vu ni plaque ni rien. Le monsieur du parasol n'a pas jugé utile de nous prévenir. Ces gens-là ne pensent qu'à garnir leur tiroir-caisse”, lâchent-elles. À Azur, une famille quitte la plage précipitamment. “Nous n'avons pas vu la plaque, et le jeune homme qui nous a loué le parasol ne nous a rien dit”, affirme une jeune fille. Et le jeune homme en question de lâcher : “Vous voulez que je vous rende votre argent ? Je suis prêt à vous rembourser !” Après, se tournant vers nous : “Vous voyez ? C'est vraiment la dèche. Ce gargotier a vendu à peine deux beignets de toute la matinée ! Les parkings sont morts. Les restos sont morts. Personne ne travaille. Ça dure depuis le 5 juillet, date où la rumeur a commencé à se répandre.”
Un égout à ciel ouvert
À Palm-Beach, pas besoin d'une pancarte pour dissuader les estivants de mettre le pied dans l'eau. Un collecteur d'eaux usées partage la plage en deux. Un oued crasseux longe le collecteur. Des eaux noires s'échappent de l'ouvrage. En aval, une “marée noire” se voit au bord de la plage, se mêlant volontiers à l'eau de baignade.
Plus haut, des canalisations attendent depuis des mois pour la construction d'un ouvrage à même de filtrer les égouts.
Benalia, 29 ans, en est à sa huitième année de loueur de parasols. Lunettes de soleil et bermuda, Benalia a la pêche.
À peine avons-nous pointé notre nez qu'il a bondi sur nous pour nous proposer un parasol ou un transat. Chaque année, il a sa “base”. 150 DA la journée, par ici (contre 100 à Azur, rappelez-vous. Normal. On est plus près des plages de la Jet-système).
Benalia jure que c'est la première fois qu'il voit des eaux noires sortir du collecteur : “L'eau est doublement filtrée en amont. D'habitude, elle sort propre comme de l'eau de source. Ce phénomène est anormal.”
En parfait marchand qui sait vendre sa marchandise, il refuse de croire qu'il y ait des cas de pathologies avérés. “Oh, c'est rien tout ça ! Ce sont juste des baigneurs mordus par des méduses. Ce sont des choses courantes”, soutient-il. Tout naturellement, Benalia en vient à soupçonner du sabotage.
Pour lui, tout cela est “politique”. “Cela fait des années que je me baigne dans cette mer. Jamais je n'ai eu le moindre problème. On a lancé ces rumeurs pour je ne sais quelle raison, et voilà le résultat : on chôme. D'habitude, la plage est bondée de monde. Or, voilà quelques jours que c'est complètement mort. Et c'est tout le monde qui en pâtit, en premier lieu les jeunes de la région. Il y a au moins une quarantaine de jeunes qui ont loué des bases. Nous avons mis toutes nos économies ici. Moi, j'ai dû acheter une cinquantaine de parasols, à 1 400 DA la pièce. Comment amortir tout ça ? Pourquoi, à la plage d'à-côté, la plage militaire de Sidi-Fredj, il n'y a pas de virus ? À moins qu'ils n'aient installé un barrage pour filtrer également les parasites. Ils veulent qu'on prenne tous le maquis ou quoi ?” Un autre ironise : “Au Club-des-Pins, on exige des badges même pour les microbes, paraît-il !”
Visiblement, il n'y a que Nasreddine qui a su tirer son épingle du jeu. Ce môme de 14 ans, qui habite la Bridja et qui passe en 7e AF, sillonne les plages en été, en proposant ses m'hadjeb s'khounin aux amateurs de baignades piquantes. “J'ai vendu 37 pièces jusqu'à présent”, dit-il. Dans sa “miqlama” (trousse scolaire) mue en tire-lire, il glisse fièrement les pièces de monnaie qu'il gagne à la sueur de son front.
Malin jusqu'au bout, il ne veut pas se baigner. “On dit que c'est dangereux”, répète-t-il. Et puis, entre nous, il n'a pas le temps. Il a une famille à nourrir et une rentrée à préparer…
M. B.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.