L'adage est connu : gouverner, c'est prévoir. En ce sens, Ali Tounsi, PDG de la police, est un bon gouvernant autant qu'un bon gardien général de l'ordre général. Passé avant-hier aux aveux devant un parterre de journalistes en liberté provisoire, le surveillant en chef du pays a tout naturellement expliqué avoir prévu de son bureau les événements de Kabylie en 2001, de même que les attentats de Madrid et les derniers, encore fumants, de Londres. Ce don de voyance que Ali Tounsi cultive en dehors de ses obligations professionnelles serait une bonne chose et un plus pour l'Algérie, puisque d'autres services étrangers et non des moindres font aussi parfois appel à des médiums pour épauler les méthodes scientifiques d'investigation. Sauf que dans le cas précis de la Kabylie, le don de prophétie du patron de la DGSN pose un problème sensible : quand on sait que les émeutes de Kabylie en 2001 se sont déclenchées juste après le meurtre de Massinissa Guermah par une balle réelle qui s'est perdue dans les locaux de la Gendarmerie nationale, serait-ce à dire que cet « assassinat accidentel » avait été prévu par le médium Tounsi et que rien n'a été fait pour l'éviter ? Il semble bien que Ali Tounsi n'ait pas voulu dire ça, sinon ce serait très grave. Mais s'il est indéniable que la police, sous la conduite de Ali Tounsi, a mis en œuvre des réformes sérieuses et réelles, il reste que ce type de déclarations va peut-être déclencher une nouvelle série d'émeutes en Kabylie. Les a-t-il prévues ? En bon voyant, sans aucun doute. Un dernier aveu pour la route ? Avec sa candeur naturelle, Ali Tounsi a aussi avoué qu'il ne sait pas où est Abderrezak El Para, mais dit savoir par ailleurs qu'il est entre de bonnes mains. Si ce n'est pas de la voyance, on ne voit pas ce que c'est.