Je vous le dis, et il ne faut pas le répéter, je ne sais pas où il se trouve. » Réponse, hier, du directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, à une journaliste curieuse de connaître l'endroit où se trouverait Abderrezak El Para, alias Amari Saïfi, ancien parachutiste de l'armée et chef présumé de la région sud du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), extradé vers Alger par la Libye en octobre 2004 et condamné, le 25 juin 2005 par contumace, à perpétuité. « Je sais qu'il est entre de bonnes mains et qu'il ne se promène pas à la rue d'Isly (actuellement rue Larbi Ben M'hidi, à Alger-Centre) », a ajouté Ali Tounsi aux insistances de la journaliste lors de la conférence de presse à l'Ecole supérieure de la police à Alger. Le terrorisme a-t-il régressé ? « Mieux vaut parler de lutte antiterroriste que de terrorisme. Le phénomène est en voie d'extinction. Cela traîne un peu. Le gouvernement optera pour d'autres méthodes qui accéléreront cette extinction », dit le patron de la police. Allusion au projet présidentiel d'amnistie générale ? « Nous sommes prêts à pardonner, mais il ne faut pas oublier. Je ne souhaite pas ce que nous avons vécu à nos pires ennemis », a dit Ali Tounsi, ajoutant que « le Pouvoir s'emploie à créer une situation propice pour ne pas oublier ». Combien de terroristes sont-ils en activité ? « Je ne fais pas l'appel chaque matin ! », a-t-il ironisé, avant d'indiquer qu'il s'agissait de « quelques centaines ». Appelé à se prononcer sur les attentats de Londres, le directeur général de la DGSN a refusé de commenter directement ces attaques. « Les Occidentaux croient que la lutte contre le terrorisme, c'est avec la mitraillette. En Algérie, il y a onze ans, nous avons lancé l'étude du profil psychologique du terroriste pour axer notre action sur ses points faibles. En ancien militaire, je sais qu'il faut bien connaître l'ennemi. Eux, par contre, n'essaient pas de savoir comment devient-on terroriste », a expliqué l'ancien colonel. « Ils devront se rapprocher du problème humain, c'est ce qu'ils tentent de faire à travers l'allégement de la dette africaine (...). C'est l'Algérie qui a poussé Interpol à intégrer le terrorisme comme variante du banditisme dans ses préoccupations », a-t-il dit. A propos de l'affaire Khalifa, il a révélé que le dossier d'extradition de l'homme d'affaires est à l'étude au niveau de la justice britannique. A ses yeux, un nombre important de caméras de surveillance dans une ville ne peut remplacer l'élément humain : « Croyez mon expérience depuis la guerre de libération. Le peuple nous a portés, soutenus. Sans lui, on ne pouvait combattre (...). Ce sont des citoyens qui ont permis la dernière neutralisation de terroristes à Alger. » La floraison d'associations culturelles et sociales à travers le pays reste la « meilleure fin du terrorisme », selon lui. Il a annoncé le renforcement des cent trente et une Brigades mobiles de la police judiciaire (BMPJ) de huit autres prochainement. Il a indiqué que les redditions de terroristes se font « régulièrement ». Sans précision. La situation sécuritaire s'est améliorée, selon lui. En 2004, il y a eu 360 assassinats attribués aux terroristes, contre 7000 morts en 1997. L'état d'urgence décrété depuis 1992 peut-il être levé ? « Je ne vois pas en quoi il gêne l'activité politique. Les réunions et les meetings ont lieu. C'est d'ailleurs un problème qu'on laisse au Parlement, au gouvernement... », a estimé le chef de la police. Il a souligné que les accidents de la route tuent 4000 personnes par an, onze fois plus que le terrorisme. « La sauvagerie des terroristes a fait que les 10% à 15% de la population, qui les ont soutenus dans un premier temps, se sont retournés contre eux, surtout lorsque les citoyens ont vu les sacrifices des services de sécurité », a déclaré le directeur général de la DGSN. La police a-t-elle entamé des recherches des personnes victimes de disparitions forcées ? M. Tounsi a rappelé que la DGSN fait partie du comité ad hoc sur les disparus créé par le chef de l'Etat. « Nous avons communiqué les chiffres les plus près de la réalité, car chaque affaire passe par l'identité judiciaire, et l'ADN peut nous permettre d'identifier un défunt même s'il est décédé il y a dix ans. Mais ce procédé coûte en temps et en argent », a précisé Ali Tounsi. « Certaines familles, n'osant pas déclarer que leur proche a rejoint le maquis, disent qu'il a disparu. Peut-être pour toucher une indemnité. Mais nous avons un canevas qui nous permet l'identification avec les familles », a-t-il ajouté. « Nous détenons en prison quatre femmes terroristes dont le rôle au maquis était de confectionner des tenues de militaires, de gendarmes et de policiers. Lors du dernier faux barrage en Kabylie, ils portaient des tenues militaires. C'est pour aussi imputer les disparitions aux forces de l'ordre, et c'est ce qui a permis au ‘‘Qui tue qui ?'' de trouver des relais », a indiqué Ali Tounsi, en reconnaissant que des cas de disparitions existent réellement. A ses yeux, la lutte contre la criminalité reste le défi à relever. « Certains repentis se sont convertis dans le crime organisé, en créant des groupes selon le copinage des années du maquis pour réaliser des hold-up, des rackets, etc. », a-t-il précisé, ajoutant que la police avait prévu cette situation depuis cinq ans. « Il y a cinq ou six ans, nous avons initié une étude pour le compte du gouvernement, avec les ministères des Finances et du Commerce, les Impôts et d'autres institutions, pour traiter des fortunes issues des maquis terroristes », a révélé Ali Tounsi, qui a ajouté que l'étude a été interrompue depuis. « Il faut que l'Etat y travaille. Aujourd'hui, on voit la création de la cellule de traitement du crime financier », a-t-il poursuivi. La DGSN a pris langue avec des polices à travers le monde pour se préparer à l'agrandissement des villes algériennes et aux problèmes de sécurité urbaine. « Dans chaque mosquée, il y a deux agents des renseignements généraux. Nous n'avons rien contre le prosélytisme. Priorité à la prévention de la violence », a indiqué Ali Tounsi. Un décret signé par le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, vient d'interdire l'ouverture des cybercafés après minuit. Est-ce que les internautes nocturnes constituent un danger pour la sécurité ? « Je ne vois pas en quoi cela gêne que les cybercafés ouvrent après minuit », a répondu le chef de la DGSN. « Organisez-vous en association pour vous défendre », a-t-il proposé aux internautes.