Le bout de parpaing lancé par la frêle main d'une vieille qui s'écrase sur la vitre du bulldozer n'y changera rien. Les gourbis en zinc et en tôle du lieudit ferme de Douzi Mohamed à Mohammadia, à l'est d'Alger, ont été complètement rasés. Les affrontements entre forces de l'ordre et jeunes du carré de maisons précaires se sont soldés, selon des témoignages, par plusieurs blessés transportés à l'hôpital Zmerli d'El Harrach. Une tentative de bloquer la route au niveau des Bananiers échoue. Deux jeunes s'agrippent au sommet de grues du chantier tout proche. Le bulldozer avance. Ecrabouille les fragiles bicoques malgré les cris des femmes et les pleurs des filles. Une jeune fille ne peut comprendre comment un policier ait pu la traîner par son voile. Une vieille, de la famille Moussa, montre des documents. « Nos parents ont vécu ici. Pour libérer le site d'un chantier de logements sociaux, on nous a transférés dans un parc de l'autre côté de la route (reliant Mohammadia à Bordj El Kiffan), puis l'APC nous a promis des chalets à la cité Amirouche à Réghaïa, il y a sept mois. Mais depuis, on a rien trouvé... Et aujourd'hui, ils viennent détruire nos maisons. Nos affaires sont dehors, au parc de l'APC, chez des parents... » D'autres racontent que les listes d'obtention de chalets existent et ont été rendues publiques, mais leurs noms n'y figuraient pas. Les enfants, choqués par l'intervention du bulldozer et des matraques, ont le regard ravagé. Une fillette pleure. Où passeront-ils la nuit ? « A l'APC de Mohammadia ! », dit la mère Moussa qui s'en prend ensuite à un policier qui traîne à côté de sa colère. « Qu'il nous change de nationalité et on ira voir ailleurs... », lance une autre femme, les traits tirés, le poing levé. A l'APC de Mohammadia, seuls des agents de sécurité d'une société de gardiennage occupent le siège de la mairie. « Ils sont tous partis... Jeudi, parfois, ils font un tour », dit un vigile.