La mort du roi Fahd Ben Abdel Aziz ne troublera en rien les équilibres internes au sein de la dynastie régnante en Arabie Saoudite qui a préparé, depuis une décennie, l'effacement de son monarque en déléguant l'essentiel des pouvoirs à son demi-frère le prince Abdallah Ben Abdel Aziz. Ce dernier a continué à diriger la monarchie d'une main de fer : aucune ouverture politique n'est tolérée, les libertés publiques et individuelles sont inexistantes tandis que la société souffre de l'emprise du conservatisme le plus absolu, affectant en premier les femmes. L'opposition somme toute virtuelle qui se confine à l'étranger ne menace nullement le pouvoir monarchique surpolicé que les grandes puissances occidentales ont surarmé, car soucieuses de préserver le premier producteur mondial de pétrole engagé de surcroît dans une politique de bas prix au sein de l'OPEP. Mais la lune de miel avec l'Occident, qui a duré des décennies, a été brutalement gâchée par les attentats du 11 septembre 2001 : quinze des pirates de l'air étaient de nationalité saoudienne. Depuis, le royaume est frappé de suspicion et le voile a commencé à se lever sur sa responsabilité dans l'essor de l'intégrisme international. Il est apparu que les autorités officielles saoudiennes n'agissaient jamais à visage découvert, mais qu'elles exportaient le wahhabisme et le fondamentalisme par le biais d'une multitude d'organisations caritatives ou religieuses. L'argent du pétrole leur permettait de cibler particulièrement les pays pauvres d'Afrique et d'Asie ainsi que les banlieues déshéritées des grandes métropoles européennes. Si l'immixtion saoudienne en Algérie fut antérieure à l'année de la légalisation du FIS, l'avènement de ce parti lui ouvrit cependant largement la voie : les doctrinaires fanatiques saoudiens devinrent la référence des intégristes algériens et, à aucun moment, durant toutes les années de terreur, Riyad ne condamna officiellement leurs actes. Mais l'histoire a d'étonnants retournements : le feu qu'il attisait hier, le royaume le voit jaillir aujourd'hui sur son propre sol. Effarés, les Saoudiens découvrent la réalité du terrorisme islamiste, plus particulièrement celui que prône un des leurs qui n'est autre que Ben Laden. Mais cette prise de conscience ne s'est transformée ni en mea culpa ni en retournement stratégique. Riyad cherche à conjurer le sort, mais sans changer de cap : le fondamentalisme a encore de beaux jours dans le royaume qui a trouvé une planche de salut inespérée dans le marché mondial du pétrole en pleine envolée.