Vendredi, la soirée de clôture du Festival du raï étirée jusqu'au petit matin n'a pas tenu toutes ses promesses, mais comme d'habitude, elle a drainé un monde fou à tel point que le service et les organisateurs ont été débordés. Des familles entières se sont résignées à rester jusqu'à l'apparition dans le ciel du théâtre de Verdure des premières lueurs de l'aube pour ne rater aucun des nombreux chanteurs réquisitionnés pour l'occasion. Réquisitionner est le mot qui convient, car nombre d'entre eux et pas des moindres ont patienté jusqu'au bouts mais, malheureusement, n'ont pu se produire. Dans les coulisses, l'agitation était à son comble depuis le début. Jusqu'à une heure tardive, Nedjma, qu'on a l'habitude de laisser pour la fin, s'impatientait. Vers 6h, et contre toute attente, l'animatrice annonce l'arrêt des festivités. A côté d'elle, Bella avait lui aussi du mal à contenir sa déception, le public de même. Cependant, il faut reconnaître que les spectateurs en ont eu pour leur argent (prix du billet fixé à 200 DA) car, en plus des feux d'artifice, ils sont quand même une vingtaine d'artistes à monter sur scène. La troupe conduite par Dahane, qui est revenu sur scène après de longues années d'éclipse, a ouvert le bal avec un ancien style particulièrement prisé à l'Ouest et évoquant la musique marocaine de Nas El Ghiwane ou Djil Djilala. Aussi, le public « estival » du théâtre de Verdure étant national, les organisateurs ont prévu un premier plateau réservé exclusivement à des têtes anciennes censées représenter d'autres genres de chansons pratiqués dans plusieurs régions du pays. Entre Abdelkader Chaou, qui a notamment repris un extrait d'une qassida du maître du chaâbi El Anka, Boualem Chaker, qui a rendu un hommage à cheikh El Hasnaoui, Abdelkader El Khaldi (melhoune pour cheikh El Khaldi) et Hamid Berbèche (style chaoui), le public jeune a pu découvrir d'autres rythmes, d'autres mélodies, etc. Extinction de warda Pour revenir au thème du festival, cette soirée a vu se produire des chanteurs qui n'ont pas été programmés durant les six jours précédents. La surprise est venue de Mazouzi et sa voix veloutée qui a impressionné le public. Certains ont vécu des moments d'émotion lorsqu'il décidera, chose totalement imprévue, d'interpréter une chanson française d'Enrico Macias Mon amour, il est comme le soleil, l'air méditerranéen aidant, Mazouzi a notamment plu à l'ambassadeur du Portugal qui venait de prendre place devant la scène. Après lui, Nani, qui a, sans doute, dès ses débuts vers le milieu de la décennie 1990, impulsé un regain de vivacité au raï en accentuant le rythme, ne s'est pas produit auparavant. Il puisera dans son propre répertoire comme Yana ou yana avant de céder le micro à Khalas de Constantine. Très professionnelle était l'attitude prise par Hakim Salhi, qui, lui, a débuté dans les années 1980. Il a effectué le déplacement avec les musiciens avec qui il a travaillé et qui devaient l'accompagner pour la circonstance. Cela donne une prestation ponctuée d'arrangements intéressants et à la hauteur de la renommée qu'il veut se donner. Il interprète Sahraoui (Saharien) et puise dans le terroir de cette région caractérisée par ses innombrables incantations typiquement diwan comme Wayana wayani. Juste Après la pause, alors que Redouane est revenu une deuxième fois avec sa habba numérique, cheikha Warda, qui n'a pas fait appel à sa troupe de meddahate, a excellé dans le raï moderne, un genre qu'elle maîtrise tout autant. Hormis Yazid de Batna, le retour sur scène de quelques noms déjà programmés les soirées précédentes, comme Djamila d'Arzew, Réda Taliani (Joséphine), Miloud El Marseillais, Siham El Abassia, n'a pas déplu au public qui en redemandait. Annoncés, Houari Dauphin et Abdou étaient particulièrement attendus, mais eux étaient portés sur la liste des absents. Le vœu du public ne sera pas exhaussé et, lorsque l'animatrice annonça subitement la fin de la fête, Nedjma, qui attendait de passer en dernier, lança : « Machi khedma hadhi » (littéralement : ce n'est pas du travail). Elle avait auparavant émis le souhait de se produire relativement tôt, mais les organisateurs lui ont signifié que si elle passait, le public risquait de partir. Elle était l'otage de sa renommée.