Photo : Zoheïr De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar Vingt-trois années se sont écoulées depuis le premier Festival du raï organisé par un groupe de jeunes militants de l'UNJA à Oran. Les initiateurs, dont certains sont décédés, avaient tenu la première sortie publique de ce genre musical malgré les restrictions et les réticences de certains responsables locaux. A l'époque, le raï ne passait pas à la radio encore moins à la télévision. Le système d'alors voulait le cantonner dans les cabarets et les arrière-plans. Mais c'était compter sans la popularité montante de ce genre de chansons qui avait réussi à transcender tous les interdits et toutes les mesures coercitives. C'était le début de la saga du raï. Acculés par cette réalité qui a fini par envahir tous les espaces publics et privés, forcés de reconnaître ce genre musical encombrant, les responsables d'alors lâcheront du lest. Vingt-trois ans après ces terribles péripéties, le mépris affiché à l'encontre de cette chanson populaire est toujours de mise. Le wali d'Oran, qui a pesé de tout son poids pour interdire le Festival du raï, lors de sa deuxième édition en 2007, a réussi à le délocaliser. Les causes ? Personne ne les connaît. Néanmoins, on chuchote dans les coulisses de la wilaya que l'histoire a trait à un différend entre la ministre de la Culture et le wali d'Oran du temps où il était en poste à Constantine. Drôle de manière de régler ses comptes, diront des inconditionnels de ce festival. A cela, le wali d'Oran a trouvé la parade : des rapports sur «le comportement d'un membre du commissariat dont la réputation n'est plus à démontrer à Oran». Le wali a également estimé que «le passage de certains chanteurs comme cheb Abdou et cheba Nadjma est une honte pour la ville» qu'il gère. Mais ce que le premier magistrat de la wilaya feint d'ignorer, c'est que les plus grosses rentrées dans le festival s'effectuent lors du passage de ces deux chanteurs. Aussi, le public du Festival du raï est composé de familles à hauteur de 60%, les enregistrements des différentes éditions faisant foi. Cheb Abdou est l'artiste de raï le plus choyé par la jeunesse et les amateurs de la chanson raï, notamment les femmes. Dans les mariages, c'est l'artiste le mieux payé et le plus demandé. Le temps de l'inquisition pour le raï est-il de retour ? «C'est juste un passage à vide. Le raï est là et il le restera toujours», confieront les organisateurs du festival. Il y a lieu de rappeler le premier clash entre le wali d'Oran et la ministre, mécontente de l'embargo dont a fait l'objet le commissariat du Festival du raï. Ni aides ni facilitations et beaucoup d'embûches dans l'organisation de la première édition au sein de la nouvelle structure ministérielle. Pour l'histoire, on raconte que la ministre a dû batailler fort pour arracher l'institutionnalisation du Festival du raï, tant il est vrai que les esprits rétrogrades manifestent une réticence incroyable à cet héritage culturel et artistique national. La chanson raï est pratiquement la seule ambassadrice qui a traversé les frontières nationales pour faire connaître le pays dans les coins les plus reculés de la planète. Les pays voisins, notamment le Maroc et la Tunisie, ont compris l'importance de ce festival et de cette chanson. Le Festival international du raï d'Oujda en est à sa deuxième édition et il commence déjà à faire de l'ombre au Festival du raï d'Oran. cela non pas du point de vue de la qualité, mais surtout des moyens et de l'attention accordés à cet événement qui draine de plus en plus de touristes et de visiteurs dans la ville frontalière marocaine. Un détail que le wali d'Oran n'a pas su assimiler au détriment des intérêts de la wilaya. Placé sous l'égide du roi, le Festival international d'Oujda est doté d'un budget de plus d'un million d'euros. Celui d'Oran, berceau du raï, ne dépasse pas les 120 000 euros. Paradoxalement, en plus de la défaillance du directeur du sponsoring au sein du commissariat, on apprendra que des instructions ont été données aux bailleurs de fonds traditionnels du festival afin qu'ils arrêtent tout financement. Du coup, en plus des difficultés liées aux autorisations imposées lors des 16ème et 17ème éditions, le festival s'est retrouvé avec le seul budget du ministère. Ce qui est largement insuffisant. Malgré le franc succès de la première édition sous l'égide du commissariat, notamment à travers le passage historique de cheb Khaled pour la première fois sur la scène du théâtre de Verdure après une absence de plus de 20 ans, ceux de Bilal et de Zahouania qui avaient désertés ce haut lieu du raï, et l'organisation d'une soirée de solidarité avec le Liban, certains ont trouvé à redire. L'année dernière a vu également la manipulation d'une certaine presse et de certains cercles connus pour être des rentiers du festival. Ce n'est pas la première fois que le festival fait une infidélité à la ville. En 2004, il avait été organisé au Casif à Alger en raison des embûches faites alors par les responsables de la wilaya. Alors, «exiler» le Festival du raï pendant une année, il reviendra plus fort l'année prochaine.