Le reste étant trop cher ou trop loin, Tifour et sa famille ont atterri à Aït Voutchour pour les vacances, un petit village kabyle de Grande Kabylie où les femmes sont en couleurs et les hommes en noir et blanc. Passée la première nuit sans incidents majeurs, Nadia, la femme de Tifour, a envoyé son mari chercher du gaz, la bouteille étant vide. Une fois dehors, Tifour s'est posé la question : Du gaz ? Dans cette région explosive ? Heureusement, le gaz est un mot international et même à Aït Voutchour, tout le monde est censé le comprendre. Du gaz ? a-t-il demandé à un jeune garçon nonchalamment assis sur un âne aux lunettes noires. Gazz ? a repris ce dernier. Du gaz, a répondu Tifour en accentuant la dernière lettre, pour faire plus Kabyle. Gaz contre gazz, le dialogue en est resté là, une bonne dizaine de minutes jusqu'à l'intervention rapide d'un délégué de la coordination locale qui passait par là. Après une longue diatribe sur le droit à l'énergie et les nuisances de Sonelgaz tenue par des pouvoirs de l'ombre, le délégué a consenti à indiquer le chemin du gaz. C'est tout droit, à 2 km, a-t-il dit en indiquant une direction vers la piste qui descend en lacets. Tifour a remercié l'ensemble de la coordination et s'en est allé par les chemins qui descendent. En trente minutes, Tifour réalise que le délégué a dit n'importe quoi. Non seulement ce n'est pas tout droit puisque toute la piste est sinueuse, mais en plus les 2 km en font 10. Un kilomètre kabyle équivaut à 5 kilomètres universels, lui a dit beaucoup plus tard un vieux du village, ayant fait ses études à Boumerdès. C'est donc en 10 km que Tifour tombe sur la maison en parpaing jaune censée vendre du gaz. En y entrant, Tifour est surpris par une atmosphère agitée et un joyeux brouhaha. Tifour comprend que c'est un bar. Pour ne pas se faire remarquer, il s'assoit et passe la commande : Une bouteille de gaz, s'il vous plaît. A suivre