Les travailleurs de l'Institut Pasteur d'Algérie (IPA) crient au scandale et portent de graves accusations contre le directeur adjoint de l'institut. Ils accusent ce responsable de « mauvaise gestion des affaires administratives de cette institution, de vol et de corruption ». Ils considèrent qu'il n'est pas question de se taire et de laisser les choses continuer au rythme où elles vont. « La situation de cette institution, noble par essence, qui est maintenant la risée de toutes ses homologues à travers le monde, créera immanquablement de graves perturbations sur notre système de santé déjà très affecté », soulignent un groupe de chercheurs dans une lettre adressée à Amar Tou, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, sous le titre « Que se passe-t-il à l'Institut Pasteur d'Algérie ? ». Comme ils refusent aussi de laisser passer l'affaire des quatorze lots de vaccins DT-coq importés en mai dernier qui « se sont révélés non conformes à cause de leur toxicité et qui sont déclarés frauduleusement conformes en dehors du registre toxicité ». La dénonciation des travailleurs ne s'arrête pas là. Ils relèvent d'autres entorses à la réglementation telles que « le stockage des produits chimiques dangereux et des explosifs dans des conditions illégales au Nouvel Institut Pasteur d'Algérie (NIPA), à Dely Brahim » et la présence d'énormes stocks de vaccins périmés depuis plus d'une année « cachés à la vue des curieux dans une aile retirée du NIPA de Dely Brahim. Cela concerne des lots de DT-coq, de vaccins rougeoleux, vaccin pour l'hépatite B, vaccin contre la fièvre jaune, contre la méningite pour les pèlerins et contre le tétanos », ont-ils signalé. Outre ces aspects purement liés à la santé publique et à la vie des citoyens, les travailleurs dénoncent aussi « le vol de sommes importantes sans effraction dans la caisse des prélèvements, d'un montant de 810 231 DA, qui a eu lieu le 15 avril 2003, et un autre vol - 421 000 DA - au niveau de la direction des finances le 4 octobre 2003 ». Le directeur adjoint est aussi accusé d'avoir « usé et abusé des moyens de l'institut à des fins personnelles ». Les travailleurs de l'IPA n'ont pas omis de signaler que des responsables aux compétences qualifiées « ont été relevés de leurs fonctions pour avoir attiré l'attention sur la non-conformité des lots de vaccins DT-coq et pour d'autres infractions dans les produits pharmaceutiques », avant de rappeler que l'inspection générale du ministère de la Santé a ouvert une enquête sur l'affaire des vaccins non conformes et dont les conclusions ne sont pas encore rendues publiques. Des accusations et une polémique Pour la direction générale de l'IPA, toutes ces accusations sont de simples « bruits de couloirs colportés par des incompétents au niveau de cette institution », a déclaré le professeur Belkaïd, directeur général de l'institut, qui a bien voulu nous recevoir après avoir contacté le mis en cause (le directeur adjoint) qui nous a orientés vers son responsable hiérarchique. « Je pars en congé », nous a-t-il répondu. Pour le professeur Belkaïd, l'IPA connaît certes des problèmes, « mais pas aussi dramatiques que vous le présentez ». « Les accusations portées contre le directeur adjoint sont non fondées. Je ne comprends pas pourquoi ces personnes n'ont pas saisi d'abord la direction générale à propos des problèmes dont ils parlent. Mon bureau est ouvert à tous les travailleurs et je suis prêt à écouter tout le monde », nous dira-t-il avant de préciser que, du côté des chercheurs, « nous avons tout fait pour leur promotion et nous les avons beaucoup aidés et nous leur avons donné leur chance. Ils sont nombreux à être inscrits aux projets de recherche et aux thèses d'Etat. Certains parmi eux sont même inscrits pour des formations à l'étranger. Nous avons fait plus qu'il n'en faut », a-t-il ajouté en nous montrant une fiche d'un candidat retenu pour une formation en France. Pour le professeur Belkaïd, ces chercheurs « n'ont rien à nous reprocher. C'est moi-même qui gère ce chapitre, alors je sais de quoi je parle », a-t-il signalé. Et de préciser : « Nous n'avons aucune honte de nos laboratoires. Nous avons reçu des sommités étrangères qui ont visité nos locaux et ils n'ont rien trouvé à dire. » Le professeur Belkaïd a tenu à préciser que des projets de transformation et de rénovation ont été lancés depuis quelques mois et tout sera finalisé d'ici septembre. « Nous nous préparons au congrès scientifique international qui aura lieu en Algérie en novembre prochain. Ce sont tous les directeurs des Instituts Pasteur qui seront présents à ce colloque », a-t-il indiqué. A propos de l'affaire des vaccins « non conformes » de Serum Institute of India, le premier responsable de l'IPA a indiqué que le Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP), le plus performant en Afrique, a démontré le contraire. « Lorsque nous avons eu des doutes sur ces lots de vaccins, nous avons alerté tous les centres de santé afin de bloquer ce produit en attendant un autre contrôle du LNCPP. Ce contrôle a prouvé la conformité du produit. Les conclusions du responsable de contrôle de qualité de notre institut se sont avérées fausses. » Concernant les vaccins périmés, le professeur Belkaïd n'y est pas allé par trente-six chemins. Il décline toute responsabilité. L'IPA a importé une quantité importante de vaccins, soit 12 millions de doses pour les antirougeoleux, sous commande du ministère de la Santé pour la campagne de vaccination. « Seulement 8 millions de doses ont été utilisées, le reste sera, bien évidemment, périmé. Il est de même pour les antitétanos importés dans l'urgence suite au séisme de 2003. Nous avons importé 500 000 doses, mais 90 000 uniquement ont été utilisées. Il s'est avéré que les quantités demandées dépassaient largement la demande », a-t-il expliqué. Quant aux conditions de conservation des produits toxiques et explosifs, le responsable de l'IPA précise : « Je ne pense pas que ces aspects importants puissent échapper aux contrôles de la Gendarmerie nationale et les rapports sont là pour l'attester. Il est hors de question que des produits toxiques circulent dans la nature au détriment de notre institution. Nous veillons avec beaucoup de vigilance sur ces questions et dans le respect des normes internationales », a-t-il signalé. En outre, le professeur Belkaïd ne nie pas les vols effectués dans la caisse des prélèvements. Selon lui, une plainte a été déposée et l'individu ayant commis cette infraction a été identifié.