C'est toujours les vacances au village d'Aït Voutchour, sur fond d'ennui mortel et de vague de chaleur spécifique. Nadia, la femme de Tifour, a rencontré Aljia, voisine émigrée, elle aussi en vacances au village avec sa famille, punie à cause de ses enfants qui ont des notes à l'école proches du zéro absolu. Alliées de circonstance, elles ont commencé à élaborer un plan d'évasion, pendant que les enfants jouent dehors avec des bébés sangliers et les pères sont à travailler une plate-forme de revendications au bar le plus proche. J'ai une Marutti, a chuchoté Nadia, comme si les montagnes avaient des oreilles. C'est quoi une Marutti ? a demandé Aljia. Nadia a haussé les épaules : Une voiture pas chère. Mais, normalement, elle roule. Au super. Aljia a fait mine de réfléchir. Quitter ce village, pourquoi pas ? Mais elle ne connaît que ce village. Et on irait où ? a-t-elle demandé innocemment. A la mer. A Tigzirt ou Azeffoun. La mer, le large. Aljia est une émigrée de la France continentale issue de la montagne de la Kabylie d'en haut. Elle ne connaît pas la mer et son seul contact avec l'eau est la piscine municipale de sa banlieue parisienne. La mer ? C'est pas dangereux ? On m'a dit qu'il y a plein de requins pollués dedans. Y a des méduses, pas plus, a répondu Nadia. Les requins sont au pouvoir, sur la terre, a-t-elle ajouté. C'est au moment où les deux complices ont commencé à dessiner un plan sur une feuille pour tenter de caser les six enfants dans la Marutti, coffre arrière et boîte à gants compris, que l'on a tapé à la porte. Sonelgaz ! Relevé des compteurs !! Aljia a vaguement entendu parler de Sonelgaz, une usine à gaz qui fait des délestages de climatiseurs et oblige les gens qui ont chaud à regarder l'ENTV, une entreprise de démolition nationale. Quant à Nadia, elle a eu l'air étonnée : Je croyais qu'ils ne passaient pas en Kabylie ? Aljia, en bonne femme de la montagne, s'est levée, un couteau à la main : Attends, je vais voir. A suivre