Aït Voutchour, lieu de résidence d'été de la famille Tifour, s'est encore dépeuplé ; la tentative d'évasion de Nadia, la femme de Tifour, et Aljia, la voisine émigrée, a réussi. A bord de la Marutti, une partie des enfants dans la malle arrière et une autre dans la boîte à gants, elles ont pris la direction de Tigzirt et la mer, guidées par Karim, agent de Sonelgaz démissionnaire et seul connaisseur des routes dans le groupe. C'est encore loin ? a demandé l'un des enfants. Tais-toi, tu vas manquer d'air, lui a ordonné sa mère. Pendant ce temps, au village de Aït Voutchour, un drame se préparait. En rentrant du bar à gaz avec Boussaad, le mari de Aljia, Tifour a tout de suite senti que quelque chose manquait dans la maison : Y a rien à manger. Elle a même pas laissé à manger, a repris Boussaad en écho. Elles sont toutes comme ça, ont conclu les deux hommes en retournant chercher du gaz pour noyer leur mélancolie. Pourtant de leur côté, Aljia et Nadia n'ont pas eu de chance non plus. A cause du dernier discours de Bouteflika, une délégation des archs de la section pas de dialogue a bloqué les routes pour protester. Après une heure de négociation, la Marutti a dû rebrousser chemin pour rentrer à Aït Voutchour. Vers 9h du soir, la petite voiture entrait timidement dans le village. Alertés, Boussaad et Tifour sont venus au devant, les sourcils froncés : C'est qui ? a demandé Tifour en désignant Karim. Selon les traditions, il ne restait plus qu'à le lyncher. C'est ainsi que tout le village s'est réuni à la place centrale, devant la tajmaat, pour pendre Karim, jeune et malheureux employé de Sonelgaz, ce dernier point ayant gravement aggravé son cas. Nadia et Aljia ont eu beau protester en expliquant qu'il ne s'était rien passé, rien n'y fit et elles ont été éconduites en raison de leur statut de femme. Un solide gaillard, chasseur de sanglier à mains nues, a déboulé sur la place. La corde ! A suivre