La confirmation de l'arrivée de n'importe quel navire en provenance de Marseille est à chercher auprès de deux franges de la société. D'abord chez les chauffeurs de taxi, ensuite chez quelques jeunes pickpockets. Ils tiennent tous deux, pour des motifs totalement distincts, un riche calendrier qui n'a rien à envier au tableau de l'autorité portuaire. Et pour s'assurer que le navire est déjà en rade, il suffit juste de faire un petit tour du côté de « la Place » au centre-ville de Skikda. S'il y a du monde aux alentours, c'est qu'el babor arrive. Ce carrousel qui emplit la ville d'une bonne dose d'ambiance dure depuis le rétablissement de la liaison Skikda-Marseille. Et ça continue. A la dernière escale du Tariq, il y avait foule aux alentours de l'enceinte portuaire. Une foule hétérogène cependant, car le nombre de partants est très mince par rapport au nombre d'arrivants. Normal, on ne quitte pas le pays du soleil en pleine saison estivale. Il y avait exactement 1247 passagers en provenance de Marseille à bord du Tariq Ibn Ziad. Ce n'est certes pas un record, mais c'est tout comme, car on apprendra par la suite que tous les émigrés devant rentrer au port d'Alger s'étaient trouvés contraints de regagner le pays par celui de Skikda. « C'est la première fois que je transite par le port de Skikda. Le bateau devant regagner Alger a accusé un retard, alors, on a préféré tenter le coup sur Skikda plutôt que d'attendre à Marseille », nous raconte un vieux avec un fort accent kabyle. Et alors, content de rentrer par Skikda ? Le vieux ne se gêne nullement de répondre :« Non, plutôt déçu... » Ah ! et pourquoi ? Il nous montre d'abord son véhicule garé au milieu d'une longue file : « Regardez, ça va faire plus de deux heures que je poireaute au soleil, et je ne suis pas encore au bout de mes peines. Au port d'Alger, j'aurais déjà été dehors. » Il sera vite rejoint par un jeune qui dira : « Ici, les choses vont lentement. Je peux supporter le soleil, mais pas ces enfants qui bouillonnent dans ces véhicules. C'est à décourager tous les jeunes de rentrer au pays. » Il raconte lui aussi que c'est la première fois qu'il rentre par le port de Skikda et il n'est pas près de recommencer. Grave ! Poussé par le désir d'en savoir plus, nous invitons d'autres passagers à apporter leurs témoignages. La première, parce que c'est une fille, se dit être une habituée du port de Skikda : « C'est la troisième fois que je viens à Skikda, et je peux vous assurer que j'ai relevé avec plaisir beaucoup d'améliorations, surtout concernant les formalités douanières. » Ne pense-t-elle pas que le débarquement des véhicules a tendance à s'éterniser ? « Ça se passe comme ça dans tous les ports, et puis, je crois qu'aujourd'hui il y a beaucoup de véhicules qui sont chargés à ras bord ». Ensuite, en fine Constantinoise, elle ajoute : « Mais vous savez, nous les Algériens, on roule à plus de 1000 à l'heure. L'attente nous alarme. » Voilà qui est dit, car il faut mentionner que ce jour-là, il y avait près de 300 véhicules que les douaniers tentaient de satisfaire en aménageant un dispositif composé de six points de contrôle. La file compacte formée depuis 10 h se consume au fur et à mesure. Il est midi, et il fait très chaud. Le soleil tape fort sur les capots. Des bouchons se forment, chose qui permet aux uns et aux autres de papoter ou d'aller chercher une limonade. « Je suis très satisfait », témoigne un passager engouffré dans un véhicule où il ne demeure aucun siège, le tout ayant servi à transporter plein de trucs. « C'est pour la famille, je rentre à Tébessa et je suis très content du progrès accompli par les services du port de Skikda. » Un autre passager qui s'apprêtait à quitter le port est allé jusqu'à crier : « Vive l'Algérie... Vive l'Algérie et vive Skikda ! » Devant notre étonnement, il nous apprendra qu'il n'est pas rentré au pays depuis plus de dix années :« Je suis de Azzaba, je suis donc skikdi et je suis très fier de l'accueil que nous ont réservé le port de Skikda et les douaniers. Je ne vous cache pas que j'appréhendais le bateau parce qu'on m'a très mal présenté la situation du port de Skikda. Et là, j'ai vu de mes propres yeux, et j'en suis heureux. « Comme quoi, il ne faut jamais se fier à ce qui se raconte... jamais ! Parole de Azzabi. »