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Bouteflika reconduit les incohérences
Débat autour du projet de la charte pour la paix et la réconciliation nationale
Publié dans El Watan le 22 - 08 - 2005

Le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, a choisi la ville de Skikda pour inaugurer la campagne du référendum du 29 septembre prochain sans attendre l'ouverture officielle de la campagne légale, prévue par la loi électorale à trois semaine du scrutin. « De par sa dimension et ses objectifs, la charte de la paix et de la réconciliation globale constitue un devoir de toute citoyenne et de tout citoyen sincères », a déclaré samedi 20 août le Président.
Dans son discours, le premier magistrat du pays a qualifié la concorde civile de « succès », alors que l'opinion publique ignore jusqu'à présent le bilan exact de cette loi promulguée lors de son premier mandat. Les comités de probation, qui devaient déterminer les responsabilités des repentis, ont travaillé dans une totale opacité et l'on a dénombré, même à titre assez limité, quelques cas de vengeance, ce qui contredit l'esprit même de la concorde. Dans son discours à Skikda, le chef de l'Etat a également souligné que « la première étape du processus de l'arrêt de l'effusion de sang a été la politique de la "concorde civile" ». Soit. Où placer alors la loi de la rahma de 1995 lancée par le président Liamine Zeroual ? Y a-t-il discontinuité du processus ? Où est-ce la paternité personnelle des initiatives qui délimitent la frontières entre plusieurs processus « d'arrêt d'effusion de sang » ? Est-ce cela la notion de continuité de l'Etat ? Dans la même verve linéaire, Abdelaziz Bouteflika a déclaré que le train des mesures portées par la « charte » devra préparer « le terrain à ce qui paraît irréalisable aujourd'hui dans le but de préserver les équilibres mais, demain, les choses s'établiront d'elles-mêmes, tout naturellement ». Deux questionnements en découlent. De quelles équilibres parle le président des Algériens ? Quelle est la valeur juridique de ce « demain » évoqué ? Car, contrairement aux lois de ce genre à travers le monde, la « charte » proposée par le président Bouteflika et les mesures inhérentes semblent illimitées dans le temps. Interrogation d'autant plus légitime lorsqu'on entend le chef de l'Etat qui assure que « la réconciliation nationale est à la fois le parachèvement de la concorde civile et le début d'une action longue, profonde et complexe sur les causes profondes de la maladie de notre société ». Autrement dit, allons-nous vers d'autres opus du « processus de réconciliation » dans le cadre apparemment déterminant de la sauvegarde des mystérieux « équilibres nationaux » ? Qui en sera bénéficiaire après les éléments des groupes armés ? Points de suspension. « Pour concevoir mon initiative, je n'ai pas cessé d'être à l'écoute de vos préoccupations et de vos attentes. D'autres peuples ont connu des déchirements à bien des égards semblables aux nôtres », a déclaré le président Bouteflika. Les associations des familles victimes du terrorisme ou victimes de disparitions forcées répètent à qui veut l'entendre qu'elles n'ont pas été consultées lors de l'élaboration de la « charte ». Ni les partis ni les représentants de la société civile n'ont été entendus. Quant aux expériences du processus de réconciliation à travers le monde, le président Bouteflika ne précise pas s'il s'agit, par exemple, des processus de type argentin, dont les lois d'amnistie de 1986 (dite Point final) et de 1987 (Devoir d'obéissance), votées sous la pression des militaires coupables d'atteintes aux droits de l'homme sous la dictature de Videla (1976-1983), ont été abrogées par la justice argentine en juin 2005. Le Président reprend même le célèbre « nunca mas », « plus jamais ça », titre du recueil de rapports sur les disparitions forcées de la commission d'enquête créée en 1983 par le président argentin Alfonsin et présidée par l'écrivain Ernesto Sabato. Justement, concernant le dossier des disparus, Abdelaziz Bouteflika a évoqué à Skikda les « efforts menés jusqu'ici pour lever le voile de l'incertitude et de la suspicion qui l'ont entouré ». Le même jour, samedi, SOS Disparus, Somoud et l'Association nationale des familles des disparus (ANFD) ont indiqué que la « charte » proposée par le chef de l'Etat « consolide l'impunité et le déni de justice et de vérité ». « Je vous invite donc, toutes et tous Algériennes et Algériens, à vous prononcer en toute liberté le 29 septembre prochain sur ce projet de charte », a appelé le Président. Une liberté relative car conditionnée par le maintien de l'état d'urgence liberticide, les restrictions de l'activité politique et partisane, la fermeture des médias lourds aux débats, pressions directes et indirectes sur les médias privés et le contrôle de la société par les relais sécuritaires et administratifs.

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