« La ville s'endormait et j'en oublie le nom », chantait Brel, c'est ainsi qu'en cette période de grande chaleur, Laghouat au courant de l'après-midi revêt un aspect commun aux villes du Sud qui changent complètement, arrivée l'heure de la sieste. Cette sieste, comportement culturel ou besoin biologique fondamental, est adoptée depuis toujours, il est vrai que la baisse de vigilance ainsi que la rentabilité en milieu de travail existent en début d'après-midi, surtout en été, et ce qui explique que la majorité des accidents se produisent au cours des périodes chrono-biologiques de somnolence maximum, et l'efficacité du travail est amoindrie. Chacun débraye à sa manière, la plupart des magasins sont fermés, mis à part quelques marchands de légumes, piquant un petit roupillon, l'œil à moitié ouvert, alanguis de sommeil, tentant de faire écouler leur marchandise aux rares passants en faisant, entre autres, des rabais sur les pastèques et les melons exposés en énormes pyramides. Certaines crémeries et quelques kiosques à journaux restent également ouverts ainsi que de rares cafés très peu fréquentés, seulement par une clientèle de passage servant des rafraîchissements par des serveurs nonchalants, prêts à dormir debout. De rares badauds circulent au centre-ville, apparemment sans but précis. Quant aux enfants, c'est un peu différent, la récupération de leur fatigue ne passe pas forcément par une demande de sommeil ou de repos, mais plutôt par un besoin de liberté, ceux-ci trouvent alors l'occasion unique pendant que les adultes font la sieste, pour s'amuser, et peut-être même faire des bêtises. Les piscines font défaut, une seule fonctionnelle dans un chef-lieu de wilaya pour de nombreux enfants cherchant désespérément un endroit où se rafraîchir, les plus démunis, pour s'offrir le luxe de se baigner, iront à pied sous un soleil de plomb dans des bassins d'irrigation qu'utilisent les agriculteurs pour collecter l'eau afin d'irriguer leur terrain et ceux-là se trouvent à environ 5 km du centre-ville. La sieste est dans certains cas un luxe chez les plus démunis, Dieu sait qu'il y en a et qu'ils ne peuvent même pas s'acheter un ventilateur, ou n'arrivent pas à payer leur facture salée d'électricité, ceux-là se débrouillent comme ils peuvent. Certains même trouvent l'idée de mouiller leurs vêtements d'eau fraîche et de s'endormir avec, car, selon eux, le moindre courant d'air leur procure un soupçon de fraîcheur.