Invité surprise d'un mariage à Aït Voutchour, Hocine Aït Ahmed s'est fendu d'un discours, montant tel un cavalier numide sur le minbar de la mosquée, cette dernière étant la seule salle disponible pour ce type d'événement en dehors du silo à grains. Les archs ayant été poliment reconduits aux frontières pour éviter les incidents, tout a pu débuter normalement, si tant est qu'un discours de mariage de Aït Ahmed dans une mosquée de Kabylie est normal. Azul fellawen et good morning Voutchour, a commencé Hocine Aït Ahmed dans un anglais impeccable. S'en sont suivies de longues phrases en kabyle et en anglais, ponctuées d'expressions populaires, de salves nourries d'applaudissements et de youyous d'adhésion massive. Selon les observateurs, le discours a essentiellement porté sur l'union des deux mariés, cousins en l'occurrence, et sur la nécessité du dialogue entre les époux, de la réconciliation nationale et de la tolérance dans le respect des lois de la République, qui condamnent le recours à la violence et l'usage abusif des femmes battues. Un long discours à lire entre les lignes, comme un discours de président de la nation. Puis après un couscous rapide, la fête fut clôturée par un récital de poésie ancestrale, où il fut surtout question de l'influence du DRS sur la flore de la région. Alors que l'historique leader reprenait son J5 pour Lausanne et que tous les hommes valides, dont Tifour, se dirigeaient à pas pressés vers l'usine à gaz pour vider quelques bouteilles, les femmes sont restées faire la vaisselle et le ménage pendant que Nadia prenait à partie Aljia, la voisine émigrée. Il est encore tôt. Qu'est-ce qu'on fait ? Je sais pas. Y en a marre de ces hommes qui ne pensent qu'au gaz. Oui, tu as raison. Un silence complice s'est intercalé. Une émeute pour femmes ? a lâché Nadia. C'est comme ça que Nadia et Aljia, mues par le même triste ennui et la même colère citoyenne, se sont dirigées vers le vulcanisateur pour acheter des pneus usagés. ...à suivre