Le président de la République a indiqué hier, à Alger, que l'aboutissement de la réconciliation nationale nécessite un travail de longue haleine. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ne paraît pas épuisé par six années et quelques mois de règne et ne semblerait pas l'être dans dix ans. Toujours énergique et plein d'emphase, il prononce encore un discours ou plutôt des discours, l'un derrière l'autre, se répétant sans avoir le souci d'être monotone. Hier aussi, à la Cour suprême, devant les magistrats du pays et sans oublier le staff gouvernemental drivé par son « assistant » fidèle, Ahmed Ouyahia, il est intervenu, le temps d'une allocution qui a duré presque une heure, pour insister sur ce qu'il avait dit la veille en Conseil des ministres ou encore le 20 août à Skikda. Il innove un peu dans la formulation dans un souci de clarté nécessaire pour mieux situer son projet de « charte pour la paix et la réconciliation nationale » dans le contexte de la crise de la « décennie rouge », expliquer sa portée, ses démembrements et les bienfaits de son aboutissement. Il poursuit sa campagne à moins de 40 jours de la date du référendum prévu le 29 septembre prochain. L'occasion, cette fois, est l'installation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui, pour la première fois dans l'histoire de la justice algérienne, comprend dix magistrats élus par leurs pairs à bulletin secret mis dans des urnes transparentes. Allant de l'importance du rôle des magistrats, en particulier leur instance suprême qui est le CSM dotée d'un nouveau statut lui assurant une certaine indépendance, le Président Bouteflika finira dans la réconciliation nationale, invitant la corporation à s'aligner sur sa démarche. Il évoque, comme toujours, le terrorisme qu'il qualifie de « barbare » et d'« abject », donnant le ton d'un éradicateur à son discours. « Les idées perfides et extrémistes ont alimenté autant de convoitises et de dépassements pour se muer en la plus abjecte expression du crime organisé que sont le terrorisme et ses horreurs qui déshonorent la civilisation », indique-t-il. « Une horde égarée a tenté, sous le couvert de la charia, d'exercer la violence barbare contre les différentes catégories de la société et semer l'épouvante parmi une population pacifiste », ajoute-t-il, rappelant la gravité et la profondeur et la lourdeur des conséquences « tant au plan moral que matériel ». Sans oublier de souligner « les longues années de confrontation et de destruction (qui) se soldèrent ainsi par de profondes blessures, de graves préjudices aux infrastructures et d'innombrables dysfonctionnements à l'Etat ». Citant, de temps à autres, des versets coraniques et ne cessant tout au long de son discours de prononcer le mot Allah, le Président présente son projet de charte comme l'ultime « traitement autorisé » pour la « tragédie nationale » qui a « atteint la nation dans l'essence même de sa religion et la profondeur de son identité ». Dénonçant les pressions étrangères à travers leurs relais à l'intérieur exercées sur l'Etat algérien du temps de la crise, le premier magistrat du pays clame haut et fort : « La crise qu'a traversée le pays ne pourra trouver de solution qu'en Algérie et entre Algériens. Aucune solution ne pourra venir de l'étranger. » « L'épreuve était rude et il fallait en tirer les enseignements. Mais Allah a doté le peuple algérien d'une foi et d'une force salutaires qui lui ont permis de vaincre les hordes sauvages. Ainsi furent vaincues l'idéologie de l'extrémisme, de l'obscurantisme et du takfir ainsi que la philosophie de la haine, de la violence et de l'exclusion », soutient-il en demandant au peuple de faire montre, encore une fois, de sa générosité, pacifisme et sa tolérance par un « oui » pour la « paix et la réconciliation nationale ». « Les bras de notre peuple sont ouverts à tous ceux qui n'ont pas commis de grands péchés », lance-t-il à l'adresse des égarés qui persistent dans leur chemin « suicidaire ». La réconciliation nationale, explique-t-il, est « un message qui éclaire la voie des égarés vers le droit chemin dans l'étreinte de l'Algérie bienveillante, cette terre où la rahma a donné naissance à la concorde dans une société moderniste authentique et cohérente dans laquelle le peuple s'est dressé autour de sa direction, confiant en la force de ses fils et filles pour relever les défis et faire face aux grandes épreuves ». « La solution est ici » Pour lui, en approuvant le projet de charte, « le peuple algérien aura ainsi empêché les courtiers de la discorde et de la vengeance et les apôtres du mal et de la malédiction à sévir ». Il affirme, dans la foulée de cette réconciliation, la poursuite de la lutte contre le terrorisme. « Nous étions les premiers à mettre en garde les nations contre son universalité, bien avant que ses dangers ne soient constatés et que les forteresses de la plus grande puissance du monde ne s'écroulent », clame-t-il avant d'ajouter que, peut-être, « pour chaque pays son propre terrorisme et aussi son propre antidote ». Il atteste ainsi : « La solution pour la crise algérienne est dans son pays et non pas ailleurs. Nous devons ainsi compter sur nous-mêmes et non pas sur les pays étrangers. » « Vous étiez les premiers à consentir des sacrifices pour la paix et vous serez, avec la volonté d'Allah, les premiers à défendre cette paix. Une paix des braves qui ont vaincu l'idéologie de la haine et de la rancœur, vaincu la machine de la violence barbare et ont payé au prix de leur vie la paix et la stabilité du pays », poursuit-il, précisant qu'il n'y a aucune place dans le processus de réconciliation nationale pour « ceux qui étaient à l'origine de la tragédie ». Le Président Bouteflika souligne que le projet de charte ne constitue pas, en lui-même, une solution immédiate et finale à la crise. Il ne s'agit pas d'une « bague magique ni d'une recette miracle » qui va « régler tous les problèmes ». Mais, soutient-il avec emphase, la réconciliation nationale se concrétisera à travers des étapes et un travail « de longue haleine » qui nécessite beaucoup de temps. Plus qu'un mandat, peut-être deux ou même plus. Le Président ne donne pas de précisions et ne situe pas son projet dans le temps. Combien faut-il d'années pour que le chef de l'Etat puisse effacer les stigmates de la crise si profonds en engageant une telle démarche de réconciliation ? Difficile de parier. M. Bouteflika se félicite, au passage, d'avoir fait tout ce qui est en son pouvoir « sans manquement ni lassitude pour qu'un jour nouveau se lève sur mon pays ». « Je suis venu prôner la sécurité et la concorde, en homme de franchise et de réconciliation avec soi, avec l'histoire et avec les autres. Une réconciliation porteuse d'une culture de paix, de tolérance et d'estime et qui favorise la promotion des valeurs d'entente, de cohésion et d'unité. Une réconciliation qui ne laisse plus de place au doute, à la division ni à la discorde », martèle-t-il. Il a fait également l'éloge de son bilan des six années déjà écoulées, en égrenant un chapelet de formules qui le projettent vers l'avenir. Il laisse entendre que son programme de réforme et de développement n'en est qu'à ses débuts.