Rien ne va plus à Beni Oulbène où un important incendie s'était déclaré vers la fin du mois de juillet dernier dans une partie du périmètre de Guénitra de mise en valeur des terres. Pour plus d'une dizaine de concessionnaires, la catastrophe est évidente. Ils estiment même leurs pertes à plusieurs centaines de millions de dinars et accusent le président de l'APC d'être à l'origine de leur malheur. Pour ce dernier qui réfute toute responsabilité, il ne s'agirait que d'un nombre assez négligeable d'oliviers brûlés. En attendant l'épilogue judiciaire, car les concessionnaires ont porté l'affaire en référé devant le tribunal de Skikda, un bref retour sur le sinistre s'impose. Le périmètre de mise en valeur des terres de Guénitra est de loin le plus important des trois sites retenus pour la wilaya de Skikda dans le cadre du plan national de développement agricole. S'étalant sur 6828 ha, il représente un projet pilote qui dépasse et de très loin les périmètres de Guerbès-Zaïtria et Leftaïmat-Mekkassa qui ne totalisent, à eux deux, que 5186 ha. Il est aussi l'un des plus importants périmètres à travers le territoire national et devait même faire l'objet d'une visite présidentielle pour exposer les très bons résultats obtenus après quatre années d'exploitation. A vocation arboriculture, il se singularise aussi par une situation très avancée en matière de réalisation. Depuis 1999, date de son lancement et après cinq années de travail acharné, il est parvenu aujourd'hui à sa phase productive. En plus et vu l'importance de sa superficie qui s'étend sur l'espace de deux communes, Oum Toub et Beni Oulbène, il a été scindé en cinq sous- périmètres dont le plus important est celui de Leksaïeb dans la dernière commune citée. Et c'est justement ce sous-périmètre qui a été touché par l'incendie. Les concessionnaires tiennent un discours... Le feu n'a rien laissé sur plusieurs hectares. Des centaines d'arbres fruitiers et des ruches ont été emportés par les flammes. Selon les déclarations de 16 concessionnaires concernés par le sinistre, les pertes sont diversifiées et énormes. Ils énumèrent à travers des constats d'huissier de justice et aussi dans leurs déclarations à la subdivision agricole la perte de plus de 10 295 arbres fruitiers constitués essentiellement de 4115 oliviers, 1450 abricotiers, 840 poiriers et 2100 pieds de vigne. D'autres arbres, des amandiers, des pommiers et des figuiers auraient également été emportés par le feu. Ils avancent également la perte de 38 ruches pleines modernes et 29 traditionnelles. A se référer à ces estimations, on aurait tendance à conclure qu'il s'agirait bel et bien d'une catastrophe économique. Cependant, le président de l'APC de Beni Oulbène ne voit pas les choses sous le même angle. En se référant lui aussi au rapport des éléments de la Protection civile qui étaient intervenus pour éteindre les flammes, il avance un bilan carrément à l'opposé de celui des concessionnaires. Pour lui, les dégâts occasionnés par l'incendie ne dépasseraient pas les 450 plants et 30 ruches. Pour parvenir à une comparaison plus ou moins exhaustive des deux bilans, il fallait se rapprocher de la Générale des concessions agricoles ( GCA), l'organe chargé de gérer les concessions. Car c'était la seule instance qui pouvait exposer le nombre réel de plants distribués aux seize concessionnaires de Leksaïeb, du moment que c'est elle qui les leur a distribués. Malheureusement, il nous a été impossible, malgré plusieurs tentatives de joindre le responsable de la GCA. Cette guerre des chiffres qui oppose les 16 concessionnaires au président de l'APC n'est cependant pas l'unique « guerre ». Car les deux antagonistes se retrouvent sur un autre front de désaccord relatif cette fois à l'origine du sinistre. A ce sujet, les concessionnaires de Leksaïeb sont formels : « Les flammes qui ont ravagé nos biens sont parties de la décharge sauvage érigée par la commune de Beni Oulbène presque aux limites des champs » et quand on constate de visu que la décharge incriminée n'est qu'à quelques mètres seulement des concessions, leurs propos prennent de fait une proportion assez convaincante. Le président de l'APC de Beni Oulbène, lui, s'en défend. « Nous avons des témoins pour attester que l'origine du feux qui a ravagé ces champs ne provenait nullement de la décharge mais plutôt des alentours du chemin de wilaya N° 7. Ils veulent juste trouver un bouc émissaire pour leurs dédommagements et ils oublient que la terre sur laquelle ils exploitent leurs concessions est un bien de la commune. » Mais les concessionnaires vont encore plus loin dans leurs accusations. « Nous avons à plusieurs reprises attiré l'attention du président de l'APC sur le danger que représente la présence de la décharge sans que ce dernier daigne à nous écouter. A longueur de journée, les déchets brûlés enfumaient les lieux et constituaient un danger permanent pour nos concessions. » Ils avancent que durant le seul mois juillet passé, les pompiers ont dû intervenir à deux reprises au niveau de la décharge incriminée, « le 4 juillet à 22 h et le 5 juillet à 14 h », précisent-ils pour éteindre les débuts d'incendie qui s'étaient manifestés. Ils déclarent même que la conservation des forêts aurait saisi le P/APC pour exiger de la commune de déplacer la décharge vu le danger qu'elle représentait. Durant six jours nous avons tenté de joindre le conservateur des forêts pour avoir ses appréciations, mais à chaque fois on nous informait qu'il venait juste de... sortir ! ... Et le P/APC, un autre Pour le P/APC, le problème devrait plutôt se poser autrement car mentionnera-t-il : « Ce sont plutôt les concessions qui ont été attribuées sur des terres jouxtant la décharge, parce que cette dernière existait bien avant 1999. » L'affaire portée en référé a été ajournée lors de la première audience durant laquelle une expertise a été demandée. Au moment même on apprend que la commune aurait trouvé un terrain d'entente avec la conservation des forêts pour ériger une nouvelle décharge bien loin des lieux, précisément à Djenane El Annab. En attendant le jugement il reste cependant à mentionner que nonobstant les déclarations des uns et des autres, il demeure une vérité toute amère : quelle que soit l'estimation finale des pertes, rien ne sera comme avant dans ce sous-périmètre calciné. On aura beau dédommager les 16 concessionnaires en leur octroyant d'autres plants, on ne pourra cependant jamais compenser cinq années de labeur.