En visite en Algérie vers 1881, l'écrivain Guy De Maupassant disait : « Féerie inespérée et qui ravit l'esprit ! Alger a passé mes attentes. Qu'elle est jolie la ville des neiges sous l'éblouissante lumière ! » Quelques années après, Anna Greki lui a fait écho dans son recueil : « J'habite une ville si candide qu'on appelle Alger la Blanche. » Présentement, ceux qui l'ont admirée ne sauraient quoi dire en la voyant se flétrir sans pouvoir intercéder en sa faveur. Contemplée depuis ses hauteurs, la ville de Sidi Abderrahmane, avec son panorama et ses contrastes, caresse la vue de l'observateur et égaye son esprit. Toutefois, un œil avisé saura bien décevoir les non avertis. Les moindres recoins des quartiers populaires et populeux sont devenus répugnants à force d'être de véritables réceptacles de rebuts et de déchets solides. « Quel paradoxe ! De nombreux habitants sont des pourvoyeurs de saleté mais n'hésitent pas à se plaindre de l'insalubrité provenant de leurs rejets qu'ils abandonnent avec indécence sur la voie publique », a remarqué pertinemment un chercheur dans le domaine de la santé. Pour étayer ces observations, il a été utile d'effectuer un déplacement afin de voir l'ampleur de l'insalubrité qui prend des proportions alarmantes. En effet, aux alentours du marché de Boumaâti (El Harrach), les vendeurs à la sauvette squattent la voie publique pour dresser leurs étals. A certains endroits, on voit en fin de journée des tas d'immondices laissés par ces camelots. « Les déchets végétaux se décomposent, puis ils se fermentent tout en libérant par la suite des émanations fétides », a témoigné un habitant. Même décor aux abords de l'ancien marché communal. Tout autour du bac à ordures, des déchets jonchent le sol. Des eaux noirâtres stagnent en bordure de la voie et dégagent des odeurs nauséabondes. Arrivé à Bachedjerah, le même observateur est pris d'ahurissement. L'artère principale menant au marché communal est également squattée par d'autres vendeurs à la sauvette. Un passage étroit, à peine suffisant pour permettre à une personne de passer, est épargné. La chaussée est parsemée de résidus divers. L'endroit que se réservent les marchands de poisson pour étaler leurs casiers à même le sol est imprégné d'une odeur infecte. En quittant le chef-lieu, le visiteur s'attarde quelque peu à Haï El Badr, quartier situé à mi-chemin entre Bachedjerah et Kouba. Toutefois, il ne peut être que révolté en constatant que le lit de l'oued qui traverse la localité est envahi par des rejets divers. « Ce canal naturel, très utile pour le drainage des eaux pluviales, est complètement obstrué par des déchets solides. Si les services concernés n'interviennent pas, les prochaines averses provoqueront des dégâts considérables », a déclaré un technicien en urbanisme. Non loin de là, à l'entrée du stade de proximité, un monticule de gravats y a été déversé. « Nous avons sollicité l'APC, mais on nous apprend que les engins et les camions ne sont pas disponibles », a affirmé le vice-président de l'association sportive locale. A Kouba, à proximité du stade Belhadad, les vendeurs à la sauvette ont de nouveau réinvesti les lieux après qu'ils eurent été délocalisés de force. Les bordures de voies renouent avec la même saleté. Les passants ont droit aux mêmes odeurs nauséabondes. « Nous avons avisé la wilaya concernant les cas de Ben Omar, de Jolie Vue et de Diar El Afia », a précisé un membre du service d'hygiène de l'APC. Les autres endroits ne valent guère mieux. Dans la commune de Bir Mourad Raïs, la cité des 348 Logements, bien que construite récemment, offre déjà une vue repoussante. Des débris provenant des modifications effectuées par les propriétaires à l'intérieur des logements sont étalés au pied des immeubles. D'après un habitant, certains occupants n'hésitent pas à jeter des sacs d'ordures au même endroit. « Après avoir sollicité une intervention, les services d'hygiène de l'apc ont procédé au nettoyage, sauf que certains propriétaires refusent de coopérer et continuent à jeter les débris à même la chaussée. C'est ce qui a poussé les agents de mettre fin à cette opération », a indiqué notre interlocuteur. Les autres communes, à savoir celle de Belouizdad, de Bordj El Kiffan et celle de Sidi M'hamed ne font pas exception aux manquements des règles d'hygiène. Les alentours immédiats du Marché T'nach agressent la vue et l'odorat. Des eaux usées provenant d'un regard obstrué ruissellent en dégageant des odeurs pestilentielles. La scène est identique à l'entrée du marché Rédha Houhou. Les consommateurs font leurs emplettes « en prenant leur part » de puanteur dégagée par les débris végétaux. En dépit des efforts consentis par l'Epic NET.COM, le seuil optimal de salubrité n'est pas encore atteint. Plusieurs habitants de la capitale constatent des carences en matière de collecte d'ordures ménagères. Il est de même concernant l'Epic Asrout qui s'occupe de l'assainissement des routes. L'entretien de celles-ci n'a pas également atteint un niveau satisfaisant. « Toutefois, le citoyen représente une entrave du moment qu'il ne respecte ni les horaires ni la manière de conditionner les déchets ménagers », a déclaré H. Abdellani, chef de département logistique et de maintenance de Netcom. En définitive, un cadre spécialisé en matière d'hygiène a estimé que tous ces efforts n'auront pas les résultats escomptés si l'on ne pense pas à mettre en œuvre un office chargé de la gestion urbaine. « Cet office sera susceptible de coordonner et d'harmoniser toute les opérations engagées », a-t-il expliqué.