Régulièrement ou occasionnellement, la prostitution de rue de cabarets ou de simples bars est devenue une réalité sociale incontournable dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj. Si cette activité est le plus souvent réprouvée, elle demeure cependant cachée au regard de la loi. Parmi celles qui ont fait le choix malgré elles de se prostituer, aucune ne parle de vocation. Ces jeunes filles de 20 à 25 ans n'ont pas rêvé de devenir prostituées, comme on rêve de faire du droit, de l'architecture ou médecine. Elle ne vendent pas leur corps par plaisir, mais simplement elles ont été acculées par les aléas de la vie qui les a contraintes à vendre leur charme pour subvenir aux besoins de leurs familles ; ces dernières vivent dans une grande précarité.Nabila, la vingtaine et en bonne santé : « Je travaille avec mon corps, pas avec mon amour, je ne fais pas l'amour, je vends des prestations ».« 3000 à 5000 DA, la passe ». Nabila, la taille moyenne et les cheveux châtains clairs, déclare qu'elle reçoit des dizaines de coups de fil par jour. Les clients me trouvent belle et attirante. Nabila assume toujours ouvertement ses activités. Une démarche qu'elle paie cher aujourd'hui. Peu d'amis, des parents proches qui l'ont reniée depuis belle lurette. « Ça fait mal, mais que faire lorsque j'ai passé des mois durant à chercher du travail, en vain. Pour ma famille, je serai toujours une pute. »Toutes les femmes qui se prostituent sont âgées entre 20 et 25 ans, elles ont toutes des noms d'emprunt servant à camoufler une identité vacillante. Elles s'appellent Radia, Ouarda, ou Nounou... Rien qu'à les regarder, on devine qu'elles ne sont pas prostituées de métier. Ce sont de jeunes femmes qui n'ont d'atout dans cette société que leur charme à vendre dans ce marché terrifiant et impitoyable du sexe et de l'argent. Elles aiment et sombrent dans les cabarets, emportées par la musique raï. Nombreuses sont les femmes âgées de 40 à 50 ans (prostituées) qui activent loin de l'atmosphère feutré des lieux de bouge (cabaret). Elles disent qu'en ce moment, ce n'est pas la joie, car elles n'arrivent plus à tourner. Ces dernières cassent les prix, elles font des passe à 1000 DA ou 1500 DA, il est tout à fait normal, disent-elles, qu'à l'âge de 50 ans, elles n'ont plus la fraîcheur de leurs 20 ans, donc elles pensent se recycler pour faire autre chose que la prostitution. Amar, client marié, père de famille : « Je ne suis pas frustré à la maison, mais ce n'est pas parce qu'une épouse fait bien la cuisine que ça nous empêche de connaître une prostituée. » Les clients du cabaret sont nombreux, mais pas très bavards. Selon notre enquête, 17% des hommes ont recours occasionnellement ou régulièrement aux services d'une prostituée. Ils sont de tous les âges et toutes les origines socioculturelles. A l'image de Amar, 42 ans, marié et père de deux enfants, le client c'est monsieur-tout-le-monde : « J'aime le sexe et j'ai besoin de changer de tête. » Avec une prostituée, le contrat est clair, on paie, on consomme, on s'en va. « Il n'y a aucun engagement, la démarche est anonyme et si la fille ne nous convient pas, on va voir ailleurs ». « Hors de question de prendre une maîtresse. » Avec une maîtresse, il faut s'investir, la sortir, lui faire des cadeaux, sans parler de risque ! Une ... ne vous téléphonera jamais le week-end, une maîtresse, si. C'est un tas d'em... en perspective, et en définitive, ça coûte beaucoup plus cher que de payer une fille. L'argent reste l'élément central de la scène de la prostitution. Les prostituées ne sont pas tant à condamner que l'ensemble de la société qui n'assure aucune sécurité à ces victimes (ses victimes !). Devant l'absence d'une couverture socioéconomique, ces femmes prostituées sont en légitime défense à leur corps défendant. Une question cruciale ! A quoi servent les organisations et les associations qui reçoivent des subventions conséquentes de la part de l'Etat pour ne rien faire devant les problèmes sociaux.