Ils viennent de loin, de Tiaret, pour protester à Alger, devant la Maison de la presse. Ils sont sept. Ils observent une grève de la faim depuis samedi dernier. Pourtant, ils habitent à Naïma, la commune la plus riche de Tiaret. Chômeurs depuis des années, ces grévistes revendiquent une commission d'enquête sur « la gestion de l'argent de la commune de Naïma », accusant « le président de l'APC, Ahmed Belkhayati, d'avoir détourné les deniers de la commune ». Ils contestent en premier lieu le fait que le président de l'APC avait dépensé 97 080 984 centimes pour ériger une statue, alors que des centaines de jeunes de la commune n'ont aucun revenu. Ils en veulent également à ce maire parce qu'il a dû recruter d'autres personnes en dehors de Naïma pour les quelques postes d'emplois qu'il a pu créer. « Il nous a brisés. Au lieu de tendre l'oreille à nos doléances et essayer de répondre à nos préoccupations, il nous menace », lâche Laredj Hachemi, le porte-parole des protestataires, avant d'enchaîner : « Le maire a voulu nous corrompre. Il nous a proposé des projets et des crédits, ou tout ce que nous lui demandions, en contrepartie du retrait de notre demande d'enquête concernant la statue des martyrs qui a été construite par un privé pour une enveloppe financière qui donne à réfléchir. » Après avoir épuisé toutes les voies de recours, les protestataires n'ont plus d'autres moyens de faire entendre leur voix que d'observer une grève de la faim. C'est l'ultime recours. « Nous avons adressé plusieurs lettres au wali de Tiaret, au ministère de l'Intérieur, au gouvernement ainsi qu'au président de la République. Nous les avons tous avisés de la situation qui prévaut dans cette localité, de la gestion douteuse des autorités locales, de la misère qui ronge les familles et du chômage qui tue la jeunesse. Mais absolument rien. Aucune suite n'a été donnée », a-t-il clamé, l'air désespéré. Exhibant une liasse de documents, Laredj atteste que « personne ne veut nous écouter ». Dans la dernière lettre ouverte destinée au président Bouteflika, à l'occasion de la fête de l'Indépendance, les contestataires soulignent : « La jeunesse algérienne tombe une fois tous les cinq ans victime des belles paroles et des promesses électoralistes qui lui donnent de faux espoirs. Nous avons adressé 367 missives et plus de 31 demandes d'audience au wali pour dénoncer les détournements et le gaspillage de l'argent de notre APC par son président. En vain. Ainsi, Monsieur le Président, nous vous demandons d'ouvrir une enquête sur les anomalies de la gestion des deniers publics dans cette wilaya. » Depuis, ils ne savent plus à quel saint se vouer. Le Rassemblement national de la jeunesse algérienne (RNJA) a vite réagi en tenant une réunion extraordinaire hier à Alger. Le RNJA a exprimé ainsi son soutien aux grévistes, en manifestant son « extrême inquiétude quant à la situation de ces jeunes protestataires ». Cette association, présidée par Rabah Drif, n'a pas manqué de condamner, dans un communiqué rendu public, « le louvoiement de l'Exécutif à punir plusieurs responsables de communes qui ont engendré le terrorisme administratif et semé la hogra », appelant la société civile et les rassemblements des jeunes à « tendre l'oreille à cette frange marginalisée pour répondre à ses revendications qui ne sont autres que le respect de la loi et l'égalité des chances ».