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Flambée des cours du pétrole
Jackpot pour la France
Publié dans El Watan le 12 - 09 - 2005

L'Etat français s'est retrouvé plus d'au moins un milliard d'euros avec l'envolée du prix du baril. Les industriels, menacés par cette hausse, demandent des aides et l'opposition demande la redistribution des taxes. Le gouvernement, lui, temporise.
Le bas de laine ne cesse de gonfler. Les cours du brut ont franchi la barre symbolique des 70 dollars le baril, hier matin à Singapour, les marchés craignant des ruptures d'approvisionnement en raison du cyclone Katrina qui menace les plateformes du golfe du Mexique. Près de quatre dollars de plus par rapport à la séance de vendredi. Toutes ces augmentations se traduisent par un gonflement sans précédent du bas de laine de la France. Le prix du litre de l'essence à la pompe connaît depuis le début de l'année une ascension vertigineuse. Les professionnels, routiers, industriels, agriculteurs crient à l'asphyxie, rejoints par les automobilistes en grogne. Selon diverses estimations, les différentes taxes (TIPP, taxe intérieure sur les produits pétroliers, et la TVA) ont rapporté plus d'un milliard d'euros supplémentaire aux caisses de l'Etat. L'opposition exige une redistribution de cette manne et réclame le doublement de l'allocation de rentrée scolaire. Le gouvernement cherche à gagner du temps et ne cache pas que la flambée des prix risque d'être durable. Le ministre délégué à l'Industrie, François Loos, estime qu'un effort important de l'Etat pour réduire le prix de l'essence à la pompe est « inenvisageable ». « Une mesure sonnante et trébuchante aurait un coût gigantesque. Pour que cela soit vraiment sensible, il faudrait baisser de 10 ou 20 centimes d'euro le prix de l'essence à la pompe, soit un coût de huit milliards d'euros, ce qui, compte tenu de l'état des finances publiques, est totalement inenvisageable. En revanche, il faut inciter les gens à consommer moins. Par exemple, réduire sa vitesse de 130 à 115 km/h sur autoroute permet de faire une économie qui compense la hausse récente du prix du pétrole », affirme François Loos.
Roulez cool
L'Etat multiplie les efforts de pédagogie pour faire patienter les Français. Avec une croissance des plus timide, le gouvernement tente de favoriser les énergies renouvelables avec des exonérations fiscales et, dans le même temps, calmer les industriels. Le 16 août, le Premier ministre, soulignant que la crise pétrolière était « appelée à durer », avait déjà prôné une politique de relance du nucléaire et de développement des énergies renouvelables. Il avait également appelé à une relance des investissements dans le domaine pétrolier, notamment dans le secteur du raffinage. Dominique de Villepin s'était engagé ce jour-là à redistribuer l'éventuel surplus de recettes fiscales issues des taxes sur les carburants aux professionnels les plus touchés (routiers, agriculteurs, pêcheurs, taxis...) par la hausse des prix du pétrole et des carburants, ainsi qu'aux salariés proches du Smic. Il avait réuni à Matignon PDG de grands groupes et experts énergétiques. Le parterre était impressionnant : les PDG de Total, Thierry Desmarest, d'EDF, Pierre Gadonneix, de Suez, Gérard Mestrallet, et de Veolia, Henri Proglio, ainsi que le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), André Antolini, et la présidente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Michèle Pappalardo. « On sent que le pétrole est durablement cher.
Tout le monde a bien compris que le niveau d'économies d'énergie en France est bon, mais devrait être encore meilleur, que de nombreux programmes de recherche sont nécessaires, qu'il y a beaucoup d'investissements à faire dans le raffinage, la production d'électricité, les énergies renouvelables », explique le ministre de l'Industrie. Parmi les idées les plus en vogue : renforcement du crédit d'impôt en faveur d'équipements moins consommateurs d'énergie tels que les voitures propres et chauffages fonctionnant à partir d'énergies renouvelables (chauffe-eau solaire, pompe à chaleur). Et aussi la réduction de la vitesse sur les autoroutes. La vitesse maximale actuellement autorisée sur autoroute est de 130 km/h. Il est conseillé aux automobilistes de réduire d'eux-mêmes leur vitesse pour dépenser moins de carburant. « C'est un conseil d'ami, comme on dit, et une idée à faire passer. Car en baissant sa vitesse de 15 km/h, le prix du plein d'essence revient au même niveau qu'avant la hausse du cours du baril de pétrole », affirme le ministre des Transports. Et de demander aux automobilistes de rouler cool.
Stockage et alternatives Les Français semblent peu réceptifs à ce discours. Au moment de passer à la caisse, les prix font mal. En prévision de l'hiver, les commandes de fioul domestique ont doublé au cours du mois d'août par rapport au mois d'août 2004, selon la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage, qui qualifie ce phénomène d'« inédit ». « Cela traduit l'inquiétude des consommateurs face aux incertitudes sur les prix, mais il ne faut pas céder à l'inquiétude ». La fédération renouvelle ses propositions au gouvernement, comme celle d'une redistribution sur le fioul domestique des surplus de recettes fiscales issues des taxes sur les produits pétroliers. Elle recommande également d'inciter à l'incorporation de biocombustibles, comme le colza et le tournesol, au fioul domestique. Les initiatives se multiplient pour sortir de la dépendance. Après le solaire, place au colza. Soixante-trois agriculteurs de Maine-et-Loire se sont lancés dans le projet d'une presse à huile pour faire tourner leur moteur aux carburants végétaux. Réunis au sein d'une Cuma (coopérative d'utilisation de matériel agricole), ils ont investi dans une presse à huile, actuellement en fin de construction, qui devrait produire 250 000 litres d'huile de tournesol ou de colza par an, utilisable pure ou mélangée à du gazole. Le projet a représenté un investissement de 100 000 euros soutenu à hauteur de 67% par différents partenaires, dont le Conseil général, l'Union européenne, un syndicat de pays et des groupes privés. Amortissement de la machine compris, le prix de revient au litre est estimé par les agriculteurs de 0,32 à 0,42 euro. Aujourd'hui, le prix du gazole à l'entrée de l'exploitation varie entre 0,55 et 0,60 euro, mais il pourrait encore augmenter. A moins que le cours du pétrole ne baisse. Ce qui n'est pas à l'ordre du jour.


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