Les profits des grandes compagnies nourrissent la critique. Total en France fait un geste, alors que les manifestations se multiplient. L'Europe est paralysée et les contestations gagnent du terrain. Quant à l'OPEP, par l'intermédiaire de son président avait clairement signifié qu'aucune augmentation n'est envisageable avant la réunion de ses membres en septembre prochain. Chakib Khelil a pointé du doigt, la semaine dernière, les spéculateurs dans ce secteur et les biocarburants qui sont à l'origine de l'envolée du prix du pétrole, selon lui.La mondialisation de la colère contre la flambée des prix du pétrole est en marche. Après le mouvement des pêcheurs espagnols, qui se poursuit, des milliers de routiers espagnols, portugais et français ont bloqué les accès internationaux lundi pour réclamer une aide financière. Le mouvement a pris toute son importance à la lumière de la hausse spectaculaire survenue vendredi. Le baril avait gagné près de 12 dollars en un seul jour. Le prix a passablement baissé lundi, mais tout le monde s'accorde à dire qu'il se maintiendra à un niveau élevé à terme. Aux Etats-Unis, le prix moyen de l'essence à la pompe a franchi le seuil psychologique de quatre dollars le gallon (3,7 litres), en hausse de 30% sur une année. Dans ce pays où la voiture est reine, le choc est fortement ressenti puisqu'il oblige des milliers d'Américains à renoncer à partir en vacances d'été. En Inde, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de diverses villes pour protester contre la baisse des subsides sur les produits pétroliers intervenue la semaine dernière. Résultat, le prix des transports en commun, seul moyen de déplacement pour la grosse majorité de la population, a pris l'ascenseur. En Corée du Sud, les chauffeurs de taxi annoncent une grève illimitée. Le Pakistan, fragilisé par l'instabilité politique, peut encore respirer. L'Arabie saoudite, qui lui livre 40% de ses besoins pétroliers, lui accorde une période de grâce pour le règlement de la facture. 120 milliards de dollars La montée des prix suscite un débat récurrent sur les bénéfices engrangés par l'industrie pétrolière, plus particulièrement aux Etats-Unis et en Europe. Dans les autres régions du monde, cette industrie se trouve dans les mains d'Etats. L'an dernier, les cinq majors - ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et Total ont empoché 120 milliards de dollars. L'année précédente, c'était 150 milliards. Aux Etats-Unis, le Sénat a convoqué fin mai cinq responsables de l'industrie, leur enjoignant d'expliquer leurs marges. "Votre industrie n'a aucun problème à doubler, voire tripler ses profits, alors que les prix à la pompe s'affolent", a accusé un sénateur. A l'extérieur, la charge est menée par le candidat démocrate à l'élection présidentielle. Barack Obama souhaite l'instauration d'une taxe sur les profits des compagnies pétrolières. En Europe, le débat sur les prix se porte à plusieurs niveaux: demande d'une aide publique de la part de grands consommateurs comme les agriculteurs, les pêcheurs et les camionneurs; demande de baisse des taxes sur les carburants et, enfin, demande de taxer les profits des compagnies. La semaine dernière, plusieurs pays s'étaient dits favorables à l'imposition d'une taxe spécifique sur l'industrie pétrolière. C'est bien dans ce contexte que la ministre française des Finances, Christine Lagarde, a reçu lundi les responsables de la compagnie Total. L'an dernier, les bénéfices de celle-ci avaient atteint 12 milliards d'euros. D'un commun accord avec le gouvernement, elle avait donné 140 millions d'euros pour aider les foyers modestes à se chauffer. Lundi, l'entreprise a renouvelé son engagement pour 102 millions d'euros. D'une façon générale, les compagnies pétrolières expliquent que les bénéfices sont investis dans de nouveaux projets pour assurer l'approvisionnement pour l'avenir. Total affirme vouloir augmenter ses investissements de 18% en 2008.