Une nouvelle réglementation fixant les conditions techniques à l'importation des produits pharmaceutiques destinés à la médecine humaine est entrée en vigueur depuis le mois de juin dernier. Des dispositions qui viendraient, selon le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, « remettre de l'ordre dans le secteur et aspirer une à une meilleure organisation et à la maîtrise du marché et des dépenses ». Ainsi, l'importation de médicaments est désormais soumise à des conditions drastiques et parfois « irrationnelles », selon les opérateurs en pharmacie. L'arrêté en question d'une trentaine d'articles élaboré par l'ex-ministre de la Santé, Mourad Redjimi, publié dans le « Journal officiel » du 12 juin 2005 et signé par Amar Tou, est l'un des moyen, selon son concepteur, d'« encourager la production locale des médicaments, la promotion et la prescription du générique et assurer l'approvisionnement du marché au moindre coût ». Un point de vue que ne partagent pas les opérateurs en pharmacie regroupés au sein de l'Union nationale des opérateurs en pharmacie (UNOP). Cahier des charges Cette nouvelle réglementation est contestée dans le fond et dans la forme. Dans une lettre adressée en mois de juillet dernier au ministre de la Santé, de la population et de la réforme hospitalière, Amar Tou, l'UNOP déplore que les opérateurs, premiers concernés, ne soient pas associés à l'élaboration de ce texte de loi. « Sachant que c'est sur la base de ce cahier des charges que nos membres se sont pour la plupart investis dans la production pharmaceutique, il aurait été pour le moins logique qu'ils soient informés d'un projet de texte qui vient l'amender et qui va ainsi avoir pour effet de changer significativement les conditions d'exercice de leur activité », a signalé l'UNOP qui n'a pas manqué de préciser que cela aurait permis également d'apporter des réponses appropriées et adaptées aux difficultés réelles dont souffrent les entreprises du secteur et « de mieux travailler à prendre en charge les besoins du consommateur final et aurait permis surtout d'éviter un certain nombre d'erreurs préjudiciables à l'organisation harmonieuse du marché national du médicament ». L'UNOP relève dans sa lettre avec satisfaction la suppression de l'obligation de déclaration statistique, une procédure considérée superfétatoire, mais se dit surprise par l'article 8 du nouvel arrêté. Lequel lève l'obligation faite aux importateurs de s'assurer que les produits disposent des deux tiers au moins de leur durée de validité au moment de leur entrée sur le marché national. Pour l'UNOP, cette disposition semblait être une précaution minimale et raisonnable pour la protection de la santé des utilisateurs finaux, connaissant, par ailleurs, « les faiblesses actuelles de maîtrise des circuits commerciaux dans notre pays et la voie ouverte pour les intervenants peu scrupuleux qui seraient tentés d'écouler sur le marché national des produits étrangers bradés, parce que menacés de péremption », s'inquiète l'UNOP. L'association des opérateurs considère que la formulation, à savoir celle « d'une durée de vie suffisante » du produit importé, n'a malheureusement aucune portée concrète pour les services des douanes ou des autres corps d'inspection et de contrôle de l'Etat. « L'opacité ainsi entretenue est une voie ouverte à toutes les formes de comportements arbitraires ». Et de préciser que, « sur la base de notre consultation auprès d'experts nationaux, la disposition antérieure n'est d'aucune manière contraire à une règle quelconque des accords de l'OMC ». A propos des articles 2 et 19, l'UNOP s'élève contre ces dispositions qui laissent suggérer que le seul canal d'écoulement des produits par un importateur est celui du passage par un grossiste répartiteur. Les opérateurs en pharmacie estiment qu'aucune raison économique ou technique ne justifie qu'un importateur quelconque s'interdise de vendre directement à une officine légalement établie, à un établissement comme la PCH ou à des établissements agréés relevant d'administrations publiques, comme la défense nationale, l'intérieur ou la protection sociale. « Une telle obligation semble du reste non conforme aux règles de base définies dans la loi algérienne en vigueur sur la concurrence. Elle est enfin d'autant plus étrange que la réglementation en vigueur en matière de détermination du prix de vente du médicament ne prévoit aucune marge à allouer aux grossistes répartiteurs », précise l'UNOP. L'autre anomalie réside dans la formulation concernant la disponibilité des médicaments qui doit être assurée auprès des grossistes répartiteurs. L'UNOP souligne que seule, en effet, est significative une obligation de disponibilité de la gamme des produits dans les magasins de l'importateur. L'article 23 de l'arrête prête aussi à confusion. L'importateur doit assurer d'une part une disponibilité permanente des produits inclus dans son programme d'importation et d'autre part communiquer son état de stock mensuel au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Une disposition qui pose réellement problème dans la pratique pour les importateurs, selon les opérateurs. L'UNOP indique qu'il aurait été souhaitable de maintenir l'article 22 de l'ancien cahier des charges faisant obligation de détenir trois mois de stock, obligation qui n'est pas contraire aux règles d'adhésion à l'OMC ni aux accords avec l'Union européenne, signale t-on. Par ailleurs, l'article 28 de cette nouvelle loi laisse les opérateurs perplexes. Il s'agit de l'interdiction à la filiale commerciale d'un fabricant étranger de recourir au réseau commercial d'un importateur local qu'elle aura elle-même choisi librement. L'UNOP signale que « cette disposition paraît d'autant plus aberrante qu'elle détonne singulièrement par rapport aux autres préoccupations qui sont exprimées dans le corps de l'arrêté ministériel, qu'elle ne constitue rien d'autre qu'une exclusivité aménagée pour le bénéfice des grandes sociétés pharmaceutiques étrangères ». Une disposition pour laquelle il est difficile pour les opérateurs de lui trouver une justification quelconque au regard des objectifs de l'administration sanitaire, alors qu'elle interfère, selon l'association des opérateurs, de manière tout à fait maladroite et inopinée dans ce qui est du domaine des relations entre les entreprises en concurrence sur la marché national. L'UNOP redoute, enfin, que les multinationales installées en Algérie prennent comme prétexte l'article 28 pour remettre en cause tous les efforts consentis depuis de nombreuses années par les opérateurs algériens dans le domaine de la production (contrat de fabrication) et de la construction d'un réseau de distribution performant (réseau commercial). Ainsi, l'UNOP espère que toutes ces remarques et propositions soient prises en considération et que l'arrêté en question pourra être amendé. A noter que l'UNOP a adressé au ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière une demande d'audience au mois de juillet dernier qui est restée sans suite.