De par sa configuration géographique propice sans grands reliefs et l'immensité de ses terres fertiles, Chelgoum Laïd adopte plutôt le profil d'une région typiquement agricole. Le tissu industriel y est homéopathique, exception faite de quelques rares entreprises rescapées qui ont survécu à l'hécatombe fatale de fermetures successives d'usines. Mais le marché de gros de fruits et légumes est là pour redonner espoir à toute une population et offrir une multitude d'opportunités, du moins pour les plus entreprenants. Un vrai don du ciel quoi ! Petites débrouilles et profits encourageants L'exclusion scolaire conjuguée aux licenciements collectifs amplifie chaque année le volume du chômage. Les perspectives d'emploi et de réinsertion faisant outrageusement défaut, une frange importante de cette jeunesse se rabat sur le marché de gros en quête de quelques dividendes. Les opportunités de grignoter quelques gains substantiels sont omniprésentes, pour peu que l'on se résolve à retrousser ses manches et à travailler d'arrache-pied. Cela fait un bail que les plus audacieux parmi les jeunes et les adolescents ont pris conscience de cette aubaine en s'impliquant dans cette dynamique salvatrice (la débrouillardise), plutôt que de verser dans la mendicité et la rapine, ou encore garnir les cafés et les trottoirs du désœuvrement. Il est illusoire de penser que ce haut lieu de négoce constitue la panacée au maelström de maux qui s'abattent sur la plèbe, mais face aux implications et multiples aléas d'un quotidien de plus en plus dur, la plupart des démunis et des laissés-pour-compte ne crachent pas sur cette perspective inespérée, pragmatisme oblige. Les plus chevronnés d'entre ces « marginalisés » ont déjà réussi leur baptême du feu et peuvent se targuer d'avoir monté leurs petites affaires dans le marché parallèle. Quelques cageots de fruits et légumes dressés en épingle sur le trottoir du coin et le tour est joué. Simple et efficace. Prenant l'exemple sur leurs aînés, une multitude de recalés scolaires et de bambins, bravant le froid glacial des aurores, empruntent chaque jour les raccourcis sinueux menant au marché de gros pour y effectuer leurs premiers apprentissages. A mesure que l'obscurité se dissipe devant l'avancée des premières lueurs du jour, l'animation gagne en intensité. Le souk est plein à craquer et une certaine fébrilité s'y installe. Les « néophytes garnements », accrocheurs qu'ils sont, se démènent comme de beaux diables et s'adaptent étonnamment bien à cette impressionnante partition commerciale. Ils vous accostent et s'accrochent à vos basques, proposant à la criée des « sandwichs-maison », des pizzas bien agrémentées, des beignets , du thé , du café, en passant par les cigarettes et toute une panoplie de sachets. Les plus costauds, usant de leurs attributs physiques, se tournent résolument vers les travaux de manutention et de dé-manutention. Ils font les portefaix dès leur jeune âge, et ce n'est sûrement pas cette corvée à connotation péjorative qui les dissuadera d'y exceller, non sans une certaine fierté. Abondance et...prix prohibitifs La pomme de terre se taille la part du lion dans le marché de gros de Chelghoum Laïd, de par sa profusion et son abondance. La palme des plus grands barons et fournisseurs potentiels de ce féculent revient incontestablement aux agriculteurs de l'ouest du pays, du Sahara, de Guelma et Skikda qui, à eux seuls, introduisent des centaines, voire des milliers de tonnes de cette succulente denrée. Les non moins célèbres et omniprésents producteurs de la région sud-ouest de Chelghoum Laïd, appelés communément Ouled Ahmed (commune de Ouled Khelouf), occupent à leur tour une place prépondérante dans cette hiérarchie. Paradoxalement, les prix pratiqués au niveau des magasins et des étals sont régulièrement excessifs, d'un avis unanime. Les marchands « réguliers » de fruits et légumes attribuent, selon leur perception des choses, cette « relative » cherté aux lourdes et contraignantes charges et impôts qu'ils payent rubis sur l'ongle. Cela n'a pas pour autant empêché certaines langues de se délier pour dire que la mercuriale des prix est parfois délibérément provoquée par les mandataires qui recourent sans vergogne à générer des situations de pénurie en créant une véritable spéculation visant à influer sur le cours des choses. Pour s'en laver les mains, les dépositaires et les fournisseurs évoquent à chaque fois le prétexte des intempéries et de l'inondation des champs et des cultures qui influent sur les approvisionnements réguliers du marché de gros, lequel coiffe une quinzaine de wilayas. Une dimension régionale qui marque le pas ces dernières années en dépit du fait que cette imposante enceinte commerciale engrange à elle seule près de 90% de recettes à la municipalité. Le manque d'hygiène patent, l'anarchie régnante et l'insécurité ambiante, faut-il-le rappeler, ont toujours été décriés et ont alimenté une polémique au sein de l'ensemble des opérateurs, tandis que les responsables concernés continuent à faire le dos rond aux préoccupations et doléances maintes fois réitérées. La rénovation et la réhabilitation tant attendues du marché de gros ont certes démarré, mais...cahin-caha.