On raconte qu'autrefois, Aïn Beïda était une région de beaux et magnifiques pâturages, agrémentés de vergers, de jardins potagers et surtout, rehaussée par l'existence d'une source d'eau, à nulle autre pareille. La source appelée « Beïda S'ghira » était la plus claire, la plus cristalline des eaux. Il n'en reste aujourd'hui qu'un vague souvenir. La source a-t-elle tari ou est-ce que ses eaux ont changé de direction ? Il y en a qui disent que la source a changé de cap pour se retrouver à F'kirina. Mais ce n'est là qu'une supputation venant des gens de la région. Toujours est-il, Aïn Beïda, dont le non dérive d'une fontaine, a de tout temps souffert du manque d'eau. Avant le recouvrement de l'indépendance, chaque quartier avait sa fontaine publique. Les jeunes garçons et les jeunes filles allaient, chacun portant deux bidons, s'en approvisionner. Qu'on imagine un instant, les échauffourées que cela générait pour un tour ou une place confisquée par le grand garçon de la troupe ! En ce temps-là, rares étaient les citoyens qui disposaient de l'eau courante. Mais beaucoup d'habitants avaient creusé un puits au milieu de leur patio. Il en existe encore dans les vieilles bâtisses de la cité Chikaoui, ex-Murienne. L'eau qu'on y puisait avait le goût de la terre, mais elle était d'une fraîcheur prompte à étancher la soif. Aujourd'hui encore, le forage de puits à l'intérieur des maisons est devenu coutumier et tend à se propager partout. Tant que l'eau existe dans le sous-sol, on ne se lassera jamais d'aller la puiser, quoi qu'il en coûte... Toutefois, le badaud est agréablement surpris et étonné de remarquer qu'à chaque coin de rue trône majestueusement un fût en matière plastique, plein d'eau fraîche, destiné aux passants assoiffés. En effet, la canicule aidant, tout un chacun ressent le besoin d'étancher sa soif. Les commerçants éprouvent sans doute fierté et plaisir de mettre à la disposition des flâneurs cette eau si fraîche et si limpide que parfois le robinet refuse de livrer ou qu'il déverse que parcimonieusement. Un citoyen nous fait remarquer que malgré un lâchage des eaux très austère, on continue à payer des factures salées, surtout depuis que l'abonnement a connu une hausse vertigineuse. La ville des Haractas, en dépit de certaines lacunes, reste plaisante, surtout au cœur de la ville où l'ombre, grâce aux platanes qui bordent ses artères principales, est quasi présente, ce qui procure une sensation de bien-être et de fraîcheur, même quand le soleil est à son zénith. La rue Zidouni Amara en est la parfaite illustration. Les branches des arbres plantés d'un côté et de l'autre de la rue se touchent et forment une voûte d'un vert « oasien » que transpercent rarement les rayons de l'ardent soleil d'août. Malheureusement, il n'en est pas de même pour les quartiers lointains où la verdure fait affreusement défaut. On eût dit une oasis en plein erg, tant la périphérie de la ville est sans couleurs et sans attrait. Dieu merci, la forêt de Hamlaouia protège la cité du côté est et semble même veiller sur sa séculaire sérénité. C'est un atout majeur pour la ville et son environnement immédiat. Un coin de paradis en somme qui mérite un peu plus d'égard.