Une trentaine de femmes, parentes de disparus, membres de la Coordination des disparus de Constantine ont été violemment empêchées de tenir un rassemblement devant la wilaya à une centaine de mètres du stade Ramdane Ben Abdelmalek, dans la matinée de jeudi dernier, une demi-heure avant le meeting animé par le Président Bouteflika. A 10 h 30, la responsable de la coordination, Naïma Saker, a été embarquée par des policiers vers le siège de la sûreté de la wilaya, « en subissant des coups », selon des témoignages. D'autres renforts arrivent vers 10 h 45 alors que les proches de disparus, des femmes âgées pour la plupart, discutent avec des journalistes venus couvrir le meeting du chef de l'Etat. « Où sont nos enfants ? C'est ça leur réconciliation !? », lance l'une d'elles, dont le fils aurait été arrêté par des policiers en civil le 13 février 1996 à Boumerzoug, localité voisine de Constantine. Disparu depuis. « Nous sommes des Algériens comme vous, comme les autres. Nous voulons la vérité », crie une autre femme, bras dans le plâtre suite à une intervention policière. Chaque jeudi, ces familles organisent un rassemblement devant le siège du cabinet de la wilaya, sur les hauteurs du Koudiat au centre-ville de l'antique Cirta. « Ce jeudi, nous voulons aussi que le Président nous entende », dit une dame, qui estime que la charte est « incomplète » tant que le texte « ne garantit pas la recherche de la vérité ». Rabah Belatrach, parent de disparu, dit avoir déposé 1000 dossiers avec photos et signalements de personnes disparues au niveau de la Commission des droits de l'homme à Genève. « Ceux qui avaient des armes, on les réhabilite, et ceux qui ont été emmenés de leur maison ne sont pas revenus », résume une autre femme âgée. « ô dirigeants terroristes, vous aurez le même sort que Saddam ! » « Nous refusons les indemnités, nous voulons la vérité ! », scande le groupe compact acculé par les policiers de la BMPJ et d'autres en civil vers le mur de la prison Koudiat, face au siège du cabinet. La tension monte. Notre collègue du Jour d'Algérie est pris à partie par un policier qui lui confisque son badge de journaliste et son appareil photo avant de tenter de l'embarquer dans un camion de la police. Accrochages entre journalistes et policiers. On libère le confrère, mais il doit patienter une demi-heure avant de récupérer son matériel et son badge. Pour calmer les esprits, les journalistes proposent aux proches de disparus de poursuivre la discussion sur le trottoir et éviter de bloquer la route. Chose faite. Mais la police charge. Une vieille, âgée de 70 ans, est traînée d'abord par son voile, puis par les cheveux par un policier vers l'intérieur du camion. Rabah Belatrach la suit, tout aussi violemment, ainsi que cinq femmes âgées entre 60 et 75 ans, copieusement brutalisées par les agents de l'ordre. « Erfed rab... ! (embarques-les) », ne cessaient de répéter les officiers sur place. Un journaliste d'Echourrouk El Yaoumi se voit également confisquer son badge. Il ne lui sera restitué que plus tard. Un policier en civil crie : « Ta gueule ! » à une femme d'une soixantaine d'années qui continuait à lancer des slogans réclamant la vérité. Les personnes arrêtées n'ont été relâchées que vers 16 h, et avaient, selon des témoignages recueillis, des bleus et des ecchymoses. Les certificats médicaux attestant de ces dépassements ont été gardés par la police, d'après des sources contactées hier. « Les familles de disparu(e)s continueront à mener leur combat pour la vérité et la justice jusqu'au bout, que ce soit à Alger, Oran, Constantine ou partout ailleurs dans le pays », lit-on dans le communiqué co-signé par SOS Disparu(e)s et le Collectif des familles de disparus en Algérie qui rappelle l'arrestation à Alger de Arab Mouloud, père de disparu, accusé de « distribution de tracts menaçant l'intérêt de la nation », les perquisition sans mandat du bureau de SOS Disparu(e)s à Oran, les menaces téléphoniques...A rappeler que des militants du MDS à Alger et Constantine, ont été arrêtés par la police pour avoir diffusé des tracts appelant au boycott du référendum du 29 septembre.