Absolument rien ne laissait présager une détérioration aussi brutale et aussi sanglante de la situation dans les territoires palestiniens. Et dire que celle-ci est intervenue trois jours après une réunion du Quartette, ce forum international qui a relevé que le retrait israélien de Ghaza ne saurait être une fin en soi et a plaidé pour une continuité territoriale entre les territoires palestiniens. Ou encore quelques heures après que le Conseil de sécurité de l'Onu ait appelé Israéliens et Palestiniens à prendre de nouvelles mesures pour remplir leurs obligations selon la Feuille de route, le plan international qui prévoit la création d'un Etat palestinien. Le Conseil invitait les deux parties à « prendre de nouvelles mesures pour s'acquitter des obligations que leur fait la Feuille de route, de façon à continuer d'avancer vers la création d'un Etat de Palestine indépendant, souverain, démocratique et viable, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité ». Le Conseil exprime son appui au communiqué publié mardi à New York par le Quartette international sur le Proche-Orient, qui appelait les deux parties à intensifier leurs contacts pour tirer les bénéfices du retrait israélien de Ghaza. Dans ce texte, le Quartette avait réaffirmé que tout accord final devait être « obtenu par la négociation entre les parties » et qu'un nouvel Etat palestinien devait être « réellement viable, avec une continuité territoriale en Cisjordanie et une connexion avec la bande de Ghaza ». Qu'a-t-il donc pu se produire dans les heures qui ont suivi ou précédé ces deux déclarations ? Au moins 15 Palestiniens ont été tués et 83 autres blessés vendredi dans l'explosion d'une voiture lors d'une parade militaire du mouvement Hamas pour célébrer le retrait israélien de la bande de Ghaza. Des témoins et le ministère de l'Intérieur ont parlé d'une « explosion interne », c'est-à-dire provoquée par des explosifs appartenant au Hamas et transportés dans le véhicule, mais le porte-parole du groupe a accusé Israël. « Un drone israélien a tiré plusieurs roquettes sur un convoi de voitures participant au défilé militaire, ce qui a provoqué ce grand nombre de martyrs et de blessés », a déclaré Sami Abou Zouhri. « Il s'agit d'un abominable crime israélien », a-t-il ajouté, affirmant que la « résistance ripostera par les moyens qu'elle jugera bons ». Le Fatah, le mouvement du leader palestinien Mahmoud Abbas, a accusé, quant à lui, le Hamas d'être responsable des victimes de l'explosion. « La responsabilité du grand nombre de Palestiniens tués aujourd'hui incombe au Hamas. Nous avions déjà établi que ces parades militaires étaient dangereuses pour notre peuple et convenu (avec les divers groupes armés) qu'elles devaient cesser », indique un communiqué du comité central du Fatah. Le Hamas a multiplié les parades militaires depuis la fin, le 12 septembre, du retrait israélien de la bande de Ghaza après 38 ans d'occupation, mais s'est engagé, ainsi que les autres groupes armés palestiniens, à mettre fin à de telles manifestations, vues d'un mauvais œil par M. Abbas. Cet engrenage se développera en Cisjordanie, où trois combattants du Jihad islamique ont été tués par l'armée israélienne dans le secteur de Tulkarem, entraînant en riposte des tirs de roquettes de ce groupe sur Israël à partir de la bande de Ghaza pour la première fois depuis le retrait israélien de ce territoire. M. Abbas a condamné l'opération israélienne en la qualifiant de « très grave et injustifiée », dans une déclaration à la presse à Ramallah. Dans l'après-midi, le Jihad islamique a annoncé dans un communiqué avoir tiré des roquettes artisanales depuis la bande de Ghaza en direction d'Israël comme « première riposte » à la mort de ses trois combattants. Au total, ce sont 35 roquettes qui se sont abattues sur le territoire israélien. Ces tirs étaient revendiqués hier par le Jihad islamique, le Hamas et les comités de résistance populaire. C'est donc le cycle infernal résistance-répression dénoncé hier par le Premier ministre palestinien, appelant la communauté internationale à y mettre fin. Cet appel est intervenu après l'ordre donné à l'armée israélienne par le ministre de la Défense Shaoul Mofaz de mener des opérations « dures » dans la bande de Ghaza. « Nous appelons la communauté internationale, le Quartette (Etats-Unis, Onu, Union européenne et Russie) et l'Administration américaine à intervenir pour arrêter l'escalade israélienne », a dit M. Qoreï. Il a qualifié de « très dangereux » les raids aériens lancés par Israël sur la bande de Ghaza. « La situation est très mauvaise. Israël continue d'encercler et de boucler la bande de Ghaza avec ses troupes. Les Israéliens sont responsables de cette situation », a-t-il dit. Un tel cycle était fortement appréhendé, tant Israël est énormément intéressé pour y trouver le prétexte de ne pas prendre le chemin de la paix.