Des corps déchiquetés, du sang partout, des gémissements de douleur, de la fumée épaisse, des milliers de personnes criant « Allah Akbar »... sont, d'après des témoins qui ont vécu l'événement, les premières images ayant suivi la très forte explosion qui a ébranlé une parade militaire du mouvement Hamas, vendredi, au cœur du camp de réfugiés de Djabalia, au nord de la ville de Ghaza. C'était le dernier défilé effectue par les membres des brigades Ezzeddine Al Qassam, l'aile militaire du mouvement Hamas qui en a déjà fait plusieurs dans différents endroits de la bande de Ghaza, fêtant sa libération de l'occupation israélienne, résultat selon ses responsables des frappes de ses militants. Comme au plus fort de l'Intifadha, il était difficile de se frayer un chemin parmi la foule compacte qui s'est rassemblée devant le service des urgences de l'hôpital El Chifa, dès l'annonce de la déflagration par les radios locales. Le docteur Abou Hassanine, chef des services des urgences dans la bande de Ghaza, nous a déclaré : « Nous avons dénombré 19 martyrs et 85 blessés, dont une vingtaine sont dans un état très grave. Certains corps étaient déchiquetés. La grande majorité est faite de civils. Au moins 15 blessés sont des enfants de moins de 15 ans. On se croirait revenu aux jours les plus difficiles de l'Intifadha. » Un porte-parole de l'armée israélienne a nié toute implication israélienne dans l'événement sanglant de Djabalia, mais le Hamas accuse Israël. Nezar Rayane, un des chefs connus des brigades Al Qassam à Ghaza, dont le frère Assaâd a été tué dans la jeep qui a explosé, a assuré que le véhicule en question ne contenait aucun produit explosif. Rayane a souligné que le démenti israélien ne peut cacher la vérité représentée par le survol de l'endroit par des hélicoptères et des drones (avions espions sans pilote) au moment de l'explosion. Il a par ailleurs montré aux journalistes une pièce électronique maculée de sang frais, retirée de la poitrine de l'une des victimes, ce qui prouve selon lui la thèse du bombardement israélien et non celle d'une explosion résultant d'une erreur technique au sol, évoquée par le ministère palestinien de l'Intérieur. Cet événement sanglant a mis en relief les profondes divergences ; le Hamas et les mouvements radicaux palestiniens d'un côté, l'Autorité palestinienne et le mouvement Fatah de l'autre. Alors que l'Autorité réclame une poursuite des négociations avec Israël, seul moyen, selon ses responsables, permettant d'aboutir à une solution de la question palestinienne, les mouvements radicaux estiment, pour leur part, que seule la poursuite de la lutte armée peut forcer Israël de céder, prenant la bande de Ghaza pour exemple. La détérioration de la situation sécuritaire dans la bande de Ghaza s'est poursuivie hier à l'aube, lorsque le mouvement Hamas a lancé des roquettes en direction de la ville de Sderot, en territoire israélien. Des hélicoptères d'assaut de type Apache ont bombardé des cibles appartenant à des militants du Hamas. Pas moins de trois maisons atteintes par les raids israéliens, dans différents quartiers de la ville de Ghaza. Ces attaques ont fait quelques blessés légers. C'est la première agression du genre depuis la fin de l'occupation de la bande de Ghaza qui a duré plus de 38 ans. Pendant la matinée d'hier, des chasseurs bombardiers de type F16 ont effectué plusieurs raids fictifs, causant d'énormes déflagrations au-dessus de la ville de Ghaza, entraînant une grande panique parmi les écoliers, dont la plupart sont restés chez eux. L'armée israélienne a, par ailleurs, décidé un bouclage total de la bande de Ghaza jusqu'à nouvel ordre. Shaoul Mofaz, ministre israélien de la Défense, a ordonné hier à son armée de mener des opérations « dures » dans la bande de Ghaza. Mofaz « a ordonné aux forces armées de mener une série de dures opérations dans la bande de Ghaza, soulignant que la riposte d'Israël aux tirs contre son territoire se devait être écrasante et sans équivoque », affirme un communiqué officiel. Mofaz a enfin « donné ordre à l'armée israélienne de se tenir prête à mener une offensive aussi longue qu'il sera nécessaire ». Ces derniers développements laissent craindre que des jours très difficiles attendent désormais les Ghazaouites qui n'ont pas encore vraiment savouré l'air de la liberté.