A l'approche de son dixième anniversaire, le processus euroméditerranéen, appelé aussi processus de Barcelone, du nom de la cité catalane où il a été lancé en 1995, est l'objet de bilan et d'analyses prospectives. Comme il y a dix ans, et même plus près de nous encore, c'est le même foisonnement d'idées, à la limite même de la confrontation, mais dans les règles du débat. Certaines sont froides, dénuées d'états d'âme, d'autres, au contraire, plaident pour l'établissement de passerelles civilisationnelles entre les deux rives de la Méditerranée. Eh oui, ces idées, sans peut-être avoir la vigueur du début des années 1990, existent encore et leurs auteurs n'hésitent pas à les défendre même s'ils savent que les politiques auront le dernier mot. Et ils l'ont montré tout au long de ces dix dernières années. Barcelone a été ainsi ballotté, mis en veilleuse, ou tout simplement dévié de son cadre initial, celui de promouvoir un partenariat mutuellement bénéfique entre les deux rives de la Méditerranée et faire de celle-ci une zone de prospérité partagée. Que l'on est loin de tout cela, constate-t-on avec une forte dose d'amertume. Et la conférence ouverte hier dans la capitale jordanienne ne devrait pas échapper à la règle. Ou plutôt si, puisqu'elle échappe à la vision analytique ou critique pour tenter d'établir le lien entre le processus euroméditerranéen et les médias. Et dire que celui-ci a failli se faire sans eux, en ce sens que ces derniers, surtout dans la partie Nord, ont été entraînés pour beaucoup, dans des pistes infondées pour la plupart. De nombreux médias européens n'avaient retenu en 1995 que le montant du fameux programme MEDA (mesures d'accompagnement), qui s'élevait à l'époque à 5 milliards de dollars. Ces organes n'y voyaient alors qu'une nouvelle dépense pour le contribuable européen, alors même que c'était du donnant-donnant, et que de nombreux pays de la rive Sud allaient consentir une forte contrepartie. A part cette image fausse bien entendu, la grande presse européenne ne s'y intéressait pas, tandis que dans la partie méridionale, certains analystes y voyaient la panacée aux problèmes de leurs pays. Les avis étaient partagés, mais tous étaient liés au manque d'information. Et quand il arrivait d'y en avoir, c'était la douche écossaise, comme au mois d'avril dernier à l'occasion d'un séminaire sur la transition économique dans l'espace euroméditerranéen. La vérité des chiffres était cruelle, mais elle avait le mérite de ramener les choses à leurs justes proportions. La conférence qui se tient depuis hier à Amman pourrait en ce sens constituer un nouveau point de départ, par l'implication des médias, comme s'il s'agissait d'aider à traduire les discours dans les faits. Des dizaines de journalistes venant de plusieurs pays ont donc effectué le déplacement d'Amman. Des expériences ont été évoquées dans certains conflits (Irlande, Chypre, Palestine) avec plus ou moins de réussite mais dans tous les cas de figure, celle-ci est étroitement liée à la volonté politique. Ainsi en est-il de ce concept de politique de nouveau voisinage, à travers lequel, constate-t-on encore, l'Europe regarde vers l'est, c'est-à-dire la Russie et l'Ukraine. Ou encore cette vision européenne mise à jour en mai dernier et qui, de l'avis de nombreux analystes, n'est rien d'autre qu'une série d'avis et de décisions. Qu'en est-il alors du principe de la concertation ? Hier à Amman, l'idée de voisinage était défendue avec conviction en opposition à la froide détermination d'instaurer une politique européenne de voisinage qui ferait penser que Barcelone a besoin d'être repris en main.