Les travailleurs de l'Enapem, unité de distribution et service après-vente de Constantine entament leur dixième mois sans salaires, au moment où leur entreprise sombre dans une crise sans lendemain. Leur tentative de toucher le président de la République lors de sa récente visite a été vaine, puisque toutes les banderoles accrochées sur les murs de l'unité située sur le passage du cortège, rue Kaddour Boumeddous, ont été enlevées la veille durant la nuit par les services de sécurité. Sur l'une de ces banderoles, on pouvait lire « Rentrée scolaire amère ». Ces pères de famille qui survivent difficilement déclarent : « Le jour où on reçoit les factures de Sonelgaz, c'est le cauchemar », souligne l'un d'eux, alors que certains ne payent plus leur loyer et sont à la merci des propriétaires. Mohamed a souffert des nombreux déplacements à la CNAS de Annaba pour permettre à son fils d'effectuer les contrôles obligatoires, suite à une opération chirurgicale. Des déplacements sont nécessaires à l'ensemble des travailleurs inscrits à Annaba où est basé le siège de l'unité de production. Mais ce sont des déplacements coûteux qui poussent la plupart à renoncer au remboursement des frais de médication. Par ailleurs, ces travailleurs ne touchent même pas leurs allocations familiales à cause du blocage des comptes de l'entreprise. Seule la banderole affichant le soutien à la charte pour la paix et la réconciliation nationale a été épargnée et les organisateurs des visites présidentielles n'admettent pas que le président de tous les Algériens puisse être harcelé par les cris de détresse de son peuple. Les travailleurs ont réussi à faire parvenir une lettre au chef de protocole de Bouteflika dans laquelle ils demandent son intervention afin de mettre fin à leur malheur qui dure depuis des années. Le temps des vaches maigres a commencé, selon les travailleurs qu'on a rencontrés, durant l'année 2000 au terme des marchés conclus avec des pays européens. A partir de là, l'entreprise survivait uniquement grâce aux créances estimées pour la seule usine de Annaba, spécialisée dans la fabrication de réfrigérateurs, et dont dépend l'unité de Constantine, à 33 milliards de centimes. Dans le cadre du processus de privatisation et suite aux instructions émanant de la direction générale, tout le collectif de l'unité avait émis le vœu de se constituer en SARL. Une volonté acceptée par le conseil d'administration, qui avait mandaté le directeur général en février 2002 de mettre en œuvre l'opération de cession des fonds de commerce au profit des travailleurs. Malheureusement, aucune suite n'a été réservée à cette résolution malgré le droit de préemption et les nombreuses réitérations adressées à la SGP Indelec. Le collectif a accepté, entre temps, la proposition du propriétaire de Condor pour la reprise de l'usine de Annaba et de l'unité de Constantine, mais encore une fois cela est resté sans écho à Alger. Pendant 4 années, le statu quo a régné sur le sort de cette entreprise jadis florissante. L'Etat, à travers les structures chargées d'accompagner les entreprises durant le passage à l'économie de marché, n'est jamais allé au bout de sa politique et livré ces entreprises comme l'Enapem à la spéculation et la prédation. Les travailleurs en payent encore les conséquences.