Jamais un jour du scrutin, que l'on présentait comme un événement majeur dans la vie du pays, n'a été aussi triste et monotone. On était très loin de la fièvre qui s'était emparée des électeurs lors des dernières élections présidentielle, locales, et même celle qui avait intronisé Zeroual à la tête du pays en 1995, dans des conditions particulièrement difficiles. Les gens étaient peu enthousiasmés et ne se bousculaient guère à l'entrée et à l'intérieur des bureaux de vote, comme nous avons pu le constater, pendant la journée, dans les zones urbaines et rurales. Au chef-lieu de wilaya, les rues et lieux publics, d'habitude bondés de monde le jeudi, étaient moins animés, et seuls quelques commerces sont demeurés ouverts. La ville et ses quartiers périphériques étaient presque déserts, surtout dans l'après-midi. L'absence d'engouement était aussi visible dans et autour de la plupart des bureaux de vote de la commune. Il n'y avait pas de chaînes interminables d'électeurs ni de grande affluence. On chômait presque dans certains bureaux de vote et l'on nous expliqua ce fait inhabituel par les habitudes des Chélifiens (citadins) qui préfèrent « voter en masse dans l'après-midi ». Des citoyens interrogés à la sortie d'un bureau de vote à Hay Salem affirment avoir voté pour « la paix et la réconciliation » qui sont synonymes, d'après eux, « d'amélioration de leurs conditions de vie ». D'autres, notamment des jeunes, semblaient désintéressés et désabusés par les promesses non tenues quant à la prise en charge de leurs problèmes quotidiens. Direction Sendjas, commune rurale située à 14 km au sud de Chlef, au pied des monts de l'Ouarsenis. Le trafic routier est pratiquement faible sur le tronçon de la RN 19 reliant la capitale du Cheliff à la wilaya de Tissemsilt. Comme à Chlef, le siège de la commune était moins animé et l'affluence constatée vers 10 h 30, au niveau notamment du centre de vote de l'école Tahraoui El Hadj, était aussi faible. « Les gens sont venus nombreux voter dès l'ouverture du centre », nous dira un encadreur pour justifier l'état des lieux. A plus de 30 km de là, se trouve la daïra d'Oued Fodda où nous nous sommes rendus dans l'après-midi, vers 16 h. La route nationale desservant Alger et Oran était aussi moins fréquentée que d'habitude. Rappelons que cette région figure parmi les localités les plus touchées par le terrorisme dans la wilaya. Là aussi, le constat était le même, que ce soit le long des artères de la ville qu'au niveau des centres de vote. Seuls des petits groupes de femmes sont aperçus sur le trajet menant à l'établissement. Le taux officiel de participation était de 15% à 11 h dans cette commune de 24 159 électeurs. A priori, tous les habitants de Chlef sont pour le retour à une paix durable, mais le peu d'empressement affiché jeudi dernier vers les bureaux de vote peut trouver une autre signification autre que sécuritaire. Même s'il était attendu, le raz de marée des chiffres officiels a constitué la grande surprise de la soirée, surtout en ce qui concerne le oui, dont le taux dépasse les 99% avec seulement 0,88% de non. Pour sa part, le taux de participation s'est élevé, selon les officiels, à 91,39% et celui de l'abstention à 8,61%, soit près de 50 000 non votants sur un total de 533 728 électeurs.