Le ministre de l'Intérieur n'aime pas qu'on lui parle du logiciel de calcul des taux de participation au vote. Hier, lors d'une conférence de presse, animée dans le cadre somptueux de la salle bordeaux de l'hôtel El Aurassi à Alger, il n'a pas répondu à la question sur la manière avec laquelle a été établi le taux général de 79,76% de participation au référendum de jeudi 29 septembre. « Je suis étonné que vous fassiez cette remarque », a-t-il lancé. Personne en Algérie, mis à part les agents spécialisés de l'administration centrale, ne sait comment fonctionne ce logiciel ni comment sont finalisés les calculs de participation au vote et des résultats des suffrages exprimés. Le référendum s'est déroulé en absence de tout contrôle ou observation extérieure à l'administration. Zerhouni trouve qu'il n'existe « aucune suspicion » autour des résultats officiels qu'il a annoncés. Il est émerveillé par les 71% de participation à Alger. « Un score jamais égalé depuis le référendum sur l'Indépendance en 1962 », a-t-il dit. Un confrère étranger nous glisse à l'oreille qu'il ne comprend plus rien. « Jeudi, je n'ai vu personne dans les bureaux de vote dans la capitale », murmure-t-il. Les disparités entres les différents taux de participation communiqués jeudi sont expliquées par Zerhouni par le fait que les femmes votent l'après-midi. « Après avoir fait le ménage », a-t-il indiqué. « Le peuple vient de donner caution au président de la République pour un règlement définitif de la crise nationale », a déclaré le ministre comme pour donner une teneur politique au résultat de scrutin. « Il y a un retour de confiance », a-t-il ajouté. Ce retour va-t-il permettre la levée de l'urgence en vigueur dans le pays depuis 13 ans ? Non. Selon le ministre de l'Intérieur, l'état d'urgence est un instrument qui permet d'« assurer la coordination entre les services impliqués dans la lutte antiterroriste et l'armée ». « Depuis l'instauration de l'état d'urgence, aucune mesure privative n'a été prise (...). Aucune restriction dans les libertés individuelles et collectives n'est intervenue », a-t-il dit. D'après ses dires, les partis et les associations n'ont connu aucune entrave devant leurs activités. Qu'en-t-il du parti Wafa d'Ahmed Taleb Ibrahimi ? « Nous n'avons pas refusé l'agrément à ce parti. Après vérification, nous avons trouvé que 60% des membres fondateurs de ce parti étaient des militants de l'ex-FIS », a-t-il expliqué, niant tout lien entre l'état d'urgence et cette interdiction. Cela dit, Zerhouni a reconnu l'existence d'un « restriction ». « Celle de l'interdiction des manifestations dans les villes », a-t-il indiqué. La raison ? « Aucune des personnes qui voulaient organiser des manifestations n'a voulu assumer la responsabilité en cas de dépassements », a-t-il déclaré, sans préciser l'identité de ces « personnes ». Expliquant l'impossibilité aux chefs du FIS de se replacer sur la scène politique, consacrée par la charte pour la paix et la réconciliation nationale, Zerhouni a dit qu'il n'était plus « raisonnable » de revenir à la situation de 1991. Interrogé sur Anouar Haddam, invité à rentrer en Algérie alors qu'il avait, au nom des GIA, revendiqué l'attentat du boulevard Amirouche à Alger, le ministre a indiqué que chaque situation sera traitée « au cas par cas ». Le président de la République et le chef du gouvernement ont, lors de la campagne électorale, appelé au retour des chefs de l'ex-FIS établis à l'étranger. A cet effet, Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, avait déclaré à la radio qu'il était en contact avec Anouar Haddam. Zerhouni n'a aucune réponse à donner sur la révision constitutionnelle. Il a invité les journalistes à aller poser la question à celui qui a évoqué cette possibilité, à savoir Abdelaziz Belkhadem. Parlant de la situation sécuritaire post-29 septembre, le ministre de l'Intérieur a parlé de « 800 à 1000 terroristes » encore dans les maquis. Selon lui, les attentats, commis ici et là, sont imputables à une centaine d'activistes uniquement. Zerhouni a, dans la foulée, annoncé des attaques, durant le jour du scrutin, à Tidjelabine, à l'est d'Alger, à Saïda et à Tébessa. Sans s'étaler trop, il a précisé que le nombre des disparus s'élève à 6800 personnes. A propos de la Kabylie, Zerhouni a annoncé la poursuite du dialogue entre le chef du gouvernement et les délégués. Ce dialogue, interrompu avant le référendum, semble à la croisée des chemins après les déclarations de Bouteflika de refuser l'« officialisation » de tamazight. Zerhouni a expliqué l'abstention massive au référendum en Kabylie par l'éparpillement des villages et par des facteurs sociologiques. « Mais je crois que des psychologues doivent se pencher sur la question pour savoir ce qui se passe », a-t-il conseillé. Harcelé par les questions, le ministre de l'Intérieur a proposé aux journalistes de relire la charte. Citant l'exemple d'autres pays, il a critiqué l'attitude d'Amnesty International et Human Rights Watch (Zerhouni a parlé de Middle East Watch) par rapport au processus de réconciliation nationale. « Vous savez, en Italie, une amnistie a été accordée à des membres de la Mafia », a-t-il dit.