Oussama et Lyès sont deux jumeaux lourdement handicapés. Ils sont aveugles et souffrent d'une déficience mentale assez apparente. Ils font partie d'une famille de 10 personnes habitant sur la route reliant le cimetière de Zef Zef à la décharge communale du même nom. Ils habitaient un logement qu'ils partageaient avec une autre famille : au total, ils étaient 20 personnes. Aujourd'hui, tout ce beau monde habite... dehors. Ces citoyens se relayent pour occuper deux tentes. Ils survivent au jour le jour depuis déjà plusieurs mois ! Un semestre passé dans des conditions insoutenables, d'autant plus que parmi ces citoyens figurent deux vieilles personnes, deux handicapés et des bébés. Ces deux familles ont perdu leur demeure lors des dernières intempéries qui ont touché la ville de Skikda. Un glissement de terrain avait tout emporté, et il ne reste aujourd'hui que des ruines. A titre d'aide, l'APC avait jugé bon à l'époque de les soutenir en leur offrant deux tentes et quelques kilogrammes de denrées alimentaires. Puis, silence radio... Sensibilisé, le maire de Skikda a déclaré : « Ils viennent souvent me faire part de leur situation. Je compatis, mais l'APC n'a pas les moyens de les reloger ni de les recaser. Si la loi m'autorisait à leur construire une petite bâtisse pour les abriter je l'aurai fais sans aucune restriction... » Mme le chef de daïra est aussi très sensible à cette situation, et affirme qu' à l'époque elle aurait instruit l'APC de trouver une solution urgente à ces personnes, tout en évoquant le manque de logements pour leur recasement. Même le wali de Skikda a été sensibilisé et s'était montré très disponible à s'enquérir de près de cette situation et d'entreprendre toutes les mesures nécessaires. Plusieurs mois sont passés et ces citoyens ont passé l'été sous des tentes et à la merci de la nature. Une énième virée à leur « campement » a permis de relever que le drame que vivent ces familles ne fait que s'aggraver. Les deux handicapés, qui gardent inlassablement un étrange sourire, pataugent souvent sur les décombres de ce qu'a été leur demeure. Leur père raconte : « Ils n'arrêtent plus de crier la nuit. Ils pleurent, surtout de peur et de froid. Ils ont une peur bleue des serpents bien qu'ils ne voient pas. » Il affirme avoir tué plusieurs reptiles qui se faufilent parmi les crevasses engendrées par les éboulements. L'un des jumeaux a déjà trébuché et sa tête garde encore les traces du choc. La mère insiste pour exposer la situation d'un autre garçon : « Venez voir où il passe ses nuits. » Un « débarras » aménagé de planches et de taule sert de gîte à ce jeune universitaire. Moins de 4 m2 peuplés de cartons et de boîtes qui entourent un matelas poussiéreux. « Comment voulez-vous qu'il révise ses cours dans des conditions pareils ? », s'est interrogée la mère. Le père, qui a perdu son travail, affirme qu'il n'a pas cessé de faire la navette entre l'hôtel de ville et le siège de la daïra avec l'espoir de trouver enfin une solution. « Je sais qu'on ne tiendra pas devant les futures pluies... je sais ! » Il le dit en connaissance de cause, mais les responsables locaux le savent-ils ? Là est toute la question.