Dans quarante jours, s'ouvrira à Tunis le deuxième Sommet mondial de la société de l'information, une rencontre importante à tous les points de vue, puisqu'elle propulse le pays d'accueil sur le devant de l'actualité mondiale, et donne une idée plus ou moins précise des intentions réelles ou supposées des détenteurs de technologie de dominer un marché mondial prometteur. C'est aussi la volonté de contrôler le plus vaste réseau mondial de communication, qu'est l'Internet, puisqu'il en sera fortement question. De cela, on n'en parle pas ou si peu, alors que des pays n'entendent associer les Nations unies et leurs agences spécialisées que pour mieux légitimer la main basse qu'ils entendent mener. En atteste la forte insistance sur le caractère privé de l'Internet, et de la technologie qui va avec. Ou encore cette autre idée de fixer des normes qui ne peuvent être que celles de celui qui domine le marché actuellement. Une domination au demeurant fortement contestée par des nouveaux venus dans la technologie comme la Chine, le Brésil ou l'Inde. L'autre question a trait aux obligations faites au pays d'accueil, et la Tunisie en a déjà donné la preuve en adressant une invitation au Premier ministre israélien. Que dire alors de cette mise en garde des pays occidentaux à la Tunisie ? Très officiellement et selon ses auteurs, cette démarche porte sur un engagement, par la Tunisie, de garantir la liberté d'expression et l'accès des médias indépendants à cette conférence. Dans une déclaration lue par le Canada lors d'une réunion préparatoire du sommet, l'Union européenne, les Etats-Unis et une dizaine de pays occidentaux ont appelé la Tunisie à « démontrer qu'elle défend fermement et promet » la liberté d'opinion et d'expression et le droit de recevoir et de diffuser de l'information par quelque média que ce soit. Tunis accueille, du 16 au 18 novembre, la deuxième phase du sommet de l'information, dont la première phase, réunie à Genève en décembre 2003, avait garanti ces droits dans une « Déclaration de principes », a rappelé le représentant du Canada. Ce dernier a fait état de « plusieurs incidents », ces derniers jours, durant la réunion du comité préparatoire à Genève, « qui soulèvent des inquiétudes quant à la nature participative du sommet ». Il n'a pas apporté la moindre précision sur ces incidents, mais tout porte à croire que ceux-ci sont liés étroitement aux enjeux de cette rencontre, car il y a des parts de marché considérables. La déclaration des pays occidentaux rappelle que le sommet réserve « un rôle important au secteur privé, à la société civile (...) et aux médias éditorialement indépendants ». « Nous appelons la Tunisie à faire tout ce qu'elle peut pour éliminer tout motif d'inquiétude et à s'assurer que l'organisation du sommet prend en compte et garantit la libre participation des organisations non gouvernementales et de leurs membres », ont ajouté les Occidentaux. « C'est la seule façon de s'assurer qu'il s'agira bien d'un sommet en Tunisie et non d'un sommet sur la Tunisie », conclut la déclaration. La nuance est très forte, mais beaucoup conviennent que cette question aurait dû être soulevée et abordée dans tous ses détails quand il fallait décider du lieu de cette conférence.Et la réponse ne peut venir de deux jours de sommet. Il y a, en effet, l'après-sommet, et il a été abordé lors de la réunion du comité préparatoire. Plusieurs ONG, comme l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la Commission internationale des juristes (CIJ) ont dénoncé la détérioration du climat général des libertés en Tunisie. La Tunisie s'était déjà retrouvée sous le feu des critiques des organisations de défense des droits de l'homme lors du sommet de Genève en 2003. Lors des travaux préparatoires du sommet de Genève, la question de la liberté d'expression et du contrôle de l'Internet avait suscité des débats. Des ONG avaient accusé certains pays comme la Chine, le Pakistan ou la Tunisie de chercher à faire légitimer, par le sommet, le droit des Etats à censurer les informations diffusées sur la toile. La Déclaration de principes finalement adoptée avait fait référence à l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme consacrant la liberté d'expression, mais également à l'article 29, qui autorise certaines limites à cette liberté. Et pourtant, si censure il y a, elle n'est pas dans ces quelques pays. D'autres la pratiquent au nom de la sécurité intérieure, contre l'avis d'ONG locales qui y voient une restriction des libertés.