Après avoir essayé toutes les solutions pour bloquer les flux d'immigrés clandestins, le gouvernement italien est réduit à faire du lobbying au sein de l'Union européenne pour lever l'embargo contre la Libye. Le gouvernement de Silvio Berlusconi a décidé, après avoir accusé la semaine dernière les autorités de Tripoli de ne pas appliquer sérieusement l'accord de lutte contre l'immigration clandestine - signé entre les deux pays, le mois passé - d'appliquer la politique de la carotte et du bâton. Pour la deuxième fois consécutive en moins de dix jours, le ministère des Affaires étrangères italien a convoqué le chargé d'Affaires de l'ambassade libyenne à Rome, pour lui demander des explications, après l'arrivée, hier, d'une autre centaine d'immigrés clandestins sur le littoral italien. Attaqué par les autres ministres du gouvernement de droite, notamment par celui de la Justice, Roberto Castelli, le ministre de l'Intérieur, Giuseppe Pisanu, a annoncé hier qu'il se rendra en Libye le 26 septembre, pour observer de visu comment la police libyenne procède pour dissuader les deux millions de candidats à l'immigration clandestine qui guettent sur les plages libyennes l'occasion d'embarquer pour l'Europe. Se sentant sous la critique constante de ses collègues du parti xénophobe de la Ligue du Nord, Pisanu a annoncé hier que si plus de 12 300 immigrés ont débarqué sur les îles siciliennes depuis le début de l'année (contre 24 000 en 2002 et 14 000 en 2003, à la même période), 42 300 clandestins ont été expulsés vers leur pays d'origine. Et alors que ses détracteurs ont exprimé un scepticisme quant à la véracité de ces chiffres, le chef du gouvernement, lui, a affirmé que l'état des lieux décrit par le ministre de l'Intérieur était « satisfaisant, positif et réconfortant ». Lui-même critiqué par les partis de l'opposition et certains médias pour n'avoir pas réussi à mettre en œuvre une politique de l'immigration équilibrée et non pas basée uniquement sur la répression, Silvio Berlusconi avait rendu visite à Maâmar El Kadhafi, il y a quelques semaines, lui arrachant l'engagement de tout faire pour empêcher les dizaines de milliers de Nord-Africains désireux d'immigrer en Europe d'embarquer des côtes libyennes. L'Italie promet même à Tripoli de « tout faire pour pousser l'UE à lever l'embargo qui pèse sur la Libye ». Cette mesure, une fois appliquée, permettrait au gouvernement italien de doter la police libyenne de radars, de véhicules et de vedettes maritimes pour pouvoir patrouiller tout le long des côtes, à la poursuite des immigrés clandestins. A ce propos, Pisanu a réitéré, hier, la nécessité de construire au moins trois centres d'accueil à proximité des ports libyens, pour y détenir les candidats invétérés à l'immigration clandestine. Tout fraîchement nommé commissaire européen pour la justice et la sécurité, l'ancien ministre aux Politiques communautaires, Rocco Buttiglione, a exprimé sa crainte de voir ces centres se transformer en « camps de concentration ». Les partis de l'opposition, notamment les communistes et le mouvement des verts, voient dans ces centres de permanence temporaire, dont ils en existent plusieurs en Sicile, comme des Lagers. Pour sa part, la députée des démocrates de gauche (DS), Livia Turco, estime que « les accords entre les polices pour le contrôle des frontières ne suffisent pas s'ils ne sont pas accompagnés d'une politique de coopération sérieuse et d'une mise en place de quotas de visas d'entrée au profit des pays de la Méditerrane et de l'Afrique subsaharienne ».