Dans leur dernier rapport relatif à l'éducation, les élus de l'Assemblée populaire de la wilaya de Skikda avaient suggéré plusieurs vecteurs qui minent, à leur sens, le secteur du transport scolaire. Ils avaient mentionné, entre autres « l'immense étendue de la wilaya, la nature du relief et la détérioration du réseau routier... ». Ils ont également estimé que l'éparpillement des populations rurales dans des zones éparses constitue lui aussi une autre cause du marasme. Bien que ces causes constituent une vérité indéniable, elles ne sont cependant pas spécifiques à la wilaya de Skikda, dont les réalités sociales ne diffèrent en rien des autres wilayas du pays. D'autres wilayas, à l'exemple de Sétif, sont encore plus étendues (plus de 60 communes). Quant au relief, il est quasiment le même sur l'ensemble de la bande côtière de l'Est du pays. En plus, les reliefs accidentés ne concernent que la région ouest de la wilaya, puisqu'on trouve à l'Est d'immenses plaines allant de Azzaba à El Marsa en passant par Ben Azzouz. Cette vérité n'a pas empêché pour autant cette région de vivre la même crise. Cela dit, d'autres causes ayant conduit au manque de transport restent aussi à discerner. On peut retenir à cet effet l'insécurité qui a caractérisé la région ces dix dernières années et surtout, le gaspillage pour éviter de dire « la mauvaise gestion » de l'ensemble des responsables qui ont eu à gérer les destinées de la wilaya. Dans le même rapport dressé par les élus de l'APW, on y puise aisément plusieurs « anomalies » qui démontrent clairement, relativité oblige, que l'ampleur croissante du manque de transport réside plutôt et en grande partie dans le retard de développement que vit encore la wilaya de Skikda, comme en témoignent les retards relevés dans les projets relatifs aux secteurs des routes et de l'éducation. Que ce soit les chemins communaux (CC) ou les chemins de wilaya (CW), le constat alarmant a été dressé depuis des décennies déjà et, depuis, il n'a pas changé d'un iota. Pis, l'état des routes menant aux zones enclavées a plutôt empiré malgré les sommes colossales qui ont été englouties dans leur réfection. Seuls 31% des CC et moins de 23% des CW sont jugés praticables. Un état des lieux qui n'encourage nullement les transporteurs à les emprunter, privant ainsi des milliers d'élèves d'un droit élémentaire. A cela se rajoutent les lenteurs, souvent inexplicables, qu'enregistre le secteur de l'éducation lui-même. Un secteur qui s'est vu engloutir des projets au début des années 2000, sans pour autant parvenir à leur assurer un suivi correcte et rigoureux. Le rapport des élus de l'APW révèle à ce sujet plusieurs exemples de retard et cite le cas de trois groupements scolaires qui devaient être réceptionnés en septembre 2004, mais qui sont toujours en chantier. D'autres cas plus insolites méritent une halte. Il y a d'abord le groupement scolaire de Borj H'mam qui date de 1994 et dont les travaux n'ont jamais démarré, idem pour le groupement de Boulakhssayem (Collo) qui date lui de 1998 et dont l'avancée des travaux est estimée aujourd'hui à 40%. Plusieurs autres groupements destinés aux zones enclavées vivent presque la même situation. DES KILOMÈTRES À PIED Le manque d'infrastructures scolaires de proximité (14 des 31 projets de groupements scolaires en cours sont destinés à des agglomérations secondaires) oblige donc les élèves des hameaux et autres douars à se rabattre sur le transport pour rejoindre leur bancs d'école ou à parcourir des kilomètres à pied. Le rapport de l'APW cite à ce sujet un exemple des plus évidents. A Oum Toub, chef-lieu de commune située au sud-ouest de la wilaya de Skikda, 234 lycéens qui viennent des agglomérations avoisinantes doivent parcourir plus de 4 km pour les plus proches et 19 km (Oued Ezzène) pour les plus éloignées à défaut de débourser respectivement 20 et 40 DA pour assurer leur transport. Pour les collégiens, ils sont plus de 770 élèves inscrits au chef-lieu de commune. Les plus proches habitent à 4 km d'Oum Toub et les plus éloignés à 18 km (Oued Lebiar). La situation de la scolarité dans la commune d'Oum Toub est identique à toutes les autres communes enclavées de la wilaya ; et à chaque rentrée scolaire, on assiste régulièrement à des manifestations populaires pour réclamer le droit des élèves au transport. Plusieurs tentatives ont été entreprises localement pour atténuer un tant soit peu le manque. Plusieurs communes ont été dotées de bus pour le ramassage scolaire, mais beaucoup reste encore à faire dans une wilaya en souffrance. Et ce ne sont certainement pas les 12 minibus offerts dernièrement par le ministère de la Solidarité nationale qui vont combler les manques, d'autant plus que ces minibus de marque KIA disposent de moins de 12 places chacun. C'est-à-dire que Ould Abbas, par cette opération de marketing politique, vient d'offrir à la wilaya de Skikda des bus qui les 12 réunis ne pourront transporter plus de 140 élèves. Maintenant, quand on sait que le nombre d'élèves à transporter pour la seule commune d'Oum Toub dépasse les 1000, on est en droit de se poser la question : qui prime en Algérie, la scolarité des générations futures ou l'intérêt politicien ? Bien sûr, la question ne méritait même pas d'être posée...